Annulation, report, ajournement sine die ? J’aurais personnellement tendance à accueillir avec méfiance le recul de Macron sur le SNU – recul qu’à ma connaissance aucune annonce officielle n’est d’ailleurs venue confirmer – une décision motivée davantage par des considérations opportunistes que par une évolution de fond sur la formation civique des jeunes.
Contrairement à ce que l’on peut lire un peu partout, le SNU a été conçu dès l’origine comme un dispositif obligatoire (1) destiné à être généralisé à toute une classe d’âge, objectif que le covid (en 2020) et une logistique manifestement défaillante ont contraint à différer bien plus sûrement qu’une contestation massive qui, depuis son annonce publique le 13 février 2018, n’est jamais venue (2). Depuis cinq ans, pourtant, deux changements majeurs ont marqué l’histoire du SNU touchant au moins en partie sa philosophie.
La première concerne la dimension identitaire du SNU, considérablement renforcée notamment sous l’action de l’actuelle secrétaire d’état chargée de sa mise en œuvre. Confrontés à la réalité, les objectifs scolaires, sanitaires, professionnels – au cœur de la communication officielle – ont été progressivement passés à la trappe pour privilégier, aux yeux du public et de médias très demandeurs du spectacle, la mise en scène quotidienne de toute une jeunesse en uniforme au garde-à-vous devant le drapeau aux accents de la Marseillaise. Après quatre années d’expérimentation, le SNU s’est construit principalement autour d’une mystique identitaire, jamais interrogée et dont chacun semble s’accommoder.
L’autre évolution concerne la place prise par l’Education nationale dans la mise en place du SNU, une Education nationale qui, au fil des ans s’est installée sans problème de conscience dans le rôle d’organisatrice (et sans doute de promotrice) d’un dispositif autrefois à la charge de l’armée : c’est l’Ecole qui finance, qui offre son administration, une partie de ses locaux et de ses personnels, qui assure auprès des élèves la promotion de ce qui apparaît comme le complément obligé d’une éducation dite morale et civique déjà largement dévoyée. Avec le SNU, ce n’est pas l’armée qui s’incruste à l’Ecole, c’est l’Ecole qui ouvre ses portes à l’armée mais c’est surtout l’approfondissement d’une tendance qui fait d’une Ecole désormais obligatoire le vecteur d’une morale officielle fondée sur le culte de la nation. L’esprit critique mis en avant dans la formation des élèves est prié de s’incliner devant le drapeau.Or, il est indéniable que cette mission attribuée à l’Education nationale dans le déploiement d’un conditionnement idéologique systématique n’a que rarement fait l’objet d’une contestation ni même seulement d’une remise en cause audible. Pas davantage aujourd’hui, où la critique du SNU est noyée dans la contestation de la réforme des retraites qu’au cours des années écoulées pendant lesquelles le petit monde de l’éducation a fait le choix de l’attentisme ou de l’indifférence pour le plus grand nombre, de la complaisance voire de la participation active pour quelques autres.
Une constatation qui fait émettre des doutes légitimes sur l’avenir du SNU : enterrement définitif ou mise à l’écart de pure opportunité d’un projet qui a déjà largement déteint sur l’Ecole ? A ce propos, il faut quand même rappeler qu’en février 2018, l’Assemblée nationale initialement chargée d’une réflexion sur le service national s’était prononcée en faveur non pas d’une période limitée hors les murs de type SNU mais d’une généralisation des objectifs du SNU sur temps scolaire pour tous les élèves de collège… Faut-il vraiment n’avoir à choisir qu’entre la peste et le choléra ?
(1) « L’ensemble des objectifs assignés ne peut être atteint que dans la mesure où l’intégralité d’une classe d’âge est effectivement, appelée sans favoritisme ni passe-droit, quels qu’en soient les motifs, à partager avec ses pairs au moins la phase initiale autour de 15-16 ans. » (rapport Menaouine, 26/04/2018)
(2) Risible ou indécente la récupération de l’ajournement du SNU par la France dite insoumise, formation qui non seulement n’a jamais eu un mot contre le SNU mais dont le projet politique prévoit l’instauration d’un service obligatoire de 9 mois pour tous les jeunes…
Excellent article !
RépondreSupprimerOn doit ajouter : 110 milliards pour ce caprice mais pas de fric pour les vrais problèmes.
NB : Eh oui, me revoilà... Mais, à l'inverse de Brighelli et comme le vin, j'essaie de me bonifier en vieillisant !