lundi 27 mars 2023

Retraites, violences : la nef des fous…

Un pouvoir brutal, peu enclin au dialogue, incapable de se remettre en cause, sûr de son fait et méprisant ? C’est bien le cas avec le projet de loi sur la réforme des retraites, projet dont personne ne perçoit réellement le bien fondé, pas plus (et peut-être encore moins) dans ses attendus que dans la méthode employée. Mais le déferlement de violence qui entoure sa contestation en dit long sur le piteux état de la démocratie en France.

La contestation peut-elle être pacifique ? La question, régulièrement posée dans la mouvance non-violente où elle a toujours fait l’objet de débat, n’a peut-être pas sa place – ou une place marginale – dans le contexte actuel où la violence d’un petit nombre n’a guère de rapport avec la contestation. Disons que ce petit nombre utilise la contestation pour arriver à autre chose. Pour me limiter à un cas que je connais assez bien (mais chaque cas est par principe unique), alors que les manifestations pourtant soigneusement encadrées par les syndicats drainent dans les rues de Rennes des foules imposantes, elles sont de façon récurrente troublées par quelques dizaines d’individus, en tenue quasi militaire dont le défoulement paraît la motivation première. Allumer des incendies, briser des vitrines, agresser le personnel des magasins, caillasser policiers et pompiers : expression du « peuple » en colère ? Révolutionnaire ? Une assimilation narcissique autant qu’anachronique. Piller des boutiques de vêtements n’a quand même pas la même signification que piller une boulangerie en 1789 pour nourrir sa famille.

L’excuse des violences policières, souvent mise en avant pour justifier les débordements aurait sans doute plus de poids si ces dernières étaient interrogées autrement. De fait, les violences policières sont une vieille tradition française, symptôme d’un régime politique si sûr de son bon droit qu’il se méfie de toute contestation au point, souvent, de la criminaliser. Alors qu’à l’école notamment mais aussi dans toute la vie civile - comme l’illustre la sinistre loi censée « conforter les valeurs républicaines » - la république fait l’objet d’un véritable culte (les sacro-saintes « valeurs de la république », la traque des élèves jugés déviants par rapport aux canons de la laïcité, etc), il ne faut pas faire semblant de s’indigner d’un recours parfois excessif à la police qui n'est jamais que le bras armé de l'état. Plutôt que de « violences policières », il serait alors plus judicieux de parler de violence d’état mais il est tellement plus facile de se défouler sur quelques boucs émissaires que de remettre en cause un régime politique intouchable, un régime dont le « peuple », après tout, choisit lui-même les dirigeants… Casser du flic n’est pas par principe révolutionnaire et l’on peut même trouver indécent le fait d’exposer chaque jour, des semaines durant, des policiers à une vindicte haineuse qui les déshumanise. Ici, la faute est à part égale entre les agresseurs – il n’y a rien de digne à lancer des pierres sur un être humain – et les autorités qui se déchargent de leur responsabilité dans des opérations de maintien de l’ordre irrationnelles.


J’ajoute que si l’on peut comprendre (au sens de saisir l’enchaînement des faits) que des adolescents se laissent entraîner à certains désordres, l’hystérisation politico-médiatique (au Parlement comme sur les réseaux sociaux) qui accompagne la question des violences policières est, elle, venant d’adultes, infantile et irresponsable, entretenant comme à plaisir un climat délétère, ouvrant des perspectives que personne ne maîtrise.

Pire encore, lorsque cette instrumentalisation est le fait de dirigeants politiques qui dénaturent le débat politique en jeux du cirque. Car la violence de rue est inséparable de la violence politique, la seconde entraînant la première. Outrances verbales, hurlements, invectives, gesticulations : quand la parole politique ne fait plus sens, elle vire au spectacle de rue. Mais la rue n’est pas par nature démocratique, ni même populaire, trop souvent confisquée (ou menacée) par les grandes gueules ou les gros bras. La complaisance assez largement partagée (et l'aveuglement d'une partie de la gauche) pour un mouvement aussi politiquement ambigu que l’a été celui des Gilets jaunes  et sa forte composante d’extrême-droite aboutit à une impasse démocratique : la confiscation de l’espace public par la violence d’une petite minorité (derrière un slogan d’une vacuité stupéfiante : « on est toujours là… »).

En réalité, ce que confirme la période actuelle, c’est la difficulté d’un régime politique à fonder des institutions démocratiques autrement que sur des joutes électorales stériles visant à la conquête du pouvoir plutôt qu’à l’exercice des responsabilités. Posture certes confortable pour ceux qui s’y livrent mais pour le reste ? Un pays aussi inapte à régler des problèmes qui n’ont pourtant rien d’insurmontable ? Un pays qui ne semble exister que par le conflit ? La nef des fous…

 

Je ne sais pas si cette note de blog, écrite sous le coup de la lassitude, sera vue comme émanant du « camp macroniste »…

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