Antoine Prost conclut le dernier volume de la très excellente Histoire de l’enseignement et de l’éducation en France par une réflexion sur « l’inadaptation de l’enseignement : trop durable pour un hasard ». Sur un thème effectivement récurrent, cette réflexion prend toute sa saveur – mais laisse un goût d’amertume certain – au regard de la date de sa rédaction : 1981… Il y a plus de 40 ans, la plupart des historiens de l’éducation mettaient déjà l’accent sur la rencontre tumultueuse entre, d’une part, la prolongation de la scolarité à 16 ans et l’impératif démocratique du collège unique, avec, d’autre part, un système scolaire - surtout l'enseignement secondaire - qui, à l’origine, n’avait jamais été conçu pour accueillir des élèves issus de tous les milieux. Le découpage arbitraire des savoirs en disciplines scolaires, l’enfermement des mêmes savoirs en programmes officiels aux exigences surréalistes, la prééminence de la parole du maître sur toute autre forme d’activité, une évaluation des élèves réduite à des notes et à des classements etc : autant de principes jugés inattaquables malgré leur faible rationalité, principes sur lesquels l’école s’est crispée en dépit des interrogations légitimes qu’on peut lui adresser.
De fait, ces lignes écrites il y a 40 ans décrivent une réalité qui est également celle d’aujourd’hui, celle d’un système éducatif qui s'obstine désespérément à adapter les élèves à ses traditions, à les faire rentrer dans un moule qui ne fait plus sens et qui considère comme une capitulation honteuse de devoir accepter des élèves qui ne viennent plus du monde d'hier. Au rythme de l’Education nationale, faut-il se résigner à dresser le même constat dans 40 ans ?