lundi 6 mars 2023

L'insoumission au SNU ne passera pas par les "Insoumis"...

Avec 5 ans de retard, la question du SNU commencerait-elle à émerger dans le débat public ? A ceux qui feignent de découvrir le sujet, il faut rappeler que c’est en février 2018 que Macron a annoncé le plus officiellement du monde la création d’un service obligatoire et que les expérimentations de 2019, 2021, 2022 – largement et complaisamment relayées par les médias – réservées aux volontaires, n’ont eu que pour objet de préparer sa généralisation. Plus déplaisante que cette amnésie quasi générale, la tentative de récupération d’une éventuelle contestation lycéenne à laquelle semble vouloir se livrer la France dite Insoumise, histoire, sans doute, de faire oublier son projet de mise en place d’un service national obligatoire, avec « formation militaire initiale », d’une durée de 9 mois (le SNU en 9 fois pire…) Un service destiné à rappeler « le lien indissoluble entre l’armée et la nation » (B. Lachaud, devant la Commission de la défense de l’Assemblée nationale, 01/02/2018).


Une obsession qui vient de loin. Dans la note ci-dessous que je fais remonter, Mélenchon se fait l’apôtre de « l’impôt du temps au service de la patrie »… Pas moins. Pour ne pas charger la barque, on évitera de s’attarder sur la triste figure de Kuzmanovic, conseiller défense de Mélenchon en 2017, qui voit, lui, dans la conscription « un fondement de la gauche ». Un peu plus tard, les propos du même sur les immigrés qu’il faut renvoyer dans leur pays l’ont fait accueillir à bras ouverts par l’extrême-droite. Affinités meurtrières…

Alors, certes, contester le SNU est une urgence mais pas aux côtés d’une formation politique qui voit dans cette institution d’essence totalitaire – la conscription – une étape obligée de l’éducation des jeunes.

 

 

 

Une citoyenneté qui sent la caserne (note initialement parue le 01/12/2020).

Il fut une époque, pas si lointaine, où le terme « insoumis » désignait ceux qui refusaient la conscription et qui payaient de lourdes années de prison la défense de leurs convictions. Aujourd’hui, les « Insoumis » sont les adhérents d’un mouvement politique qui, par la bouche de leur chef, réclament le rétablissement du service militaire. Une curiosité sémantique pas vraiment nouvelle puisque reprenant, dans la perspective des présidentielles de 2022, le programme déjà présenté par le même parti en 2017.

Dans un entretien hallucinant à L’Opinion (29/11/2020), Mélenchon fait défiler tous les poncifs habituels sur l’armée et la défense nationale, sujets pour lesquels, explique-t-il, « il n’y a pas de limites. La souveraineté française est totale, pleine, entière, non négociable. » Avec des accents à la Déroulède, il affiche sa nostalgie pour l’époque bénie du service militaire : « Il faut aller à l’essence de ce qu’est la conscription : l’impôt du temps au service de la patrie ». Impôt du temps ? Faut-il rappeler à Mélenchon que l’impôt du temps fut d’abord un impôt du sang, le principe de la conscription étant de préparer à la guerre, c’est-à-dire d’apprendre à tuer ou à se faire tuer sur ordre ? Que cette institution est responsable de la mort de plusieurs millions de jeunes qui ne demandaient qu’à vivre, victimes innocentes de conflits voulus et déclenchés par des dirigeants politiques et militaires qui, par ce moyen, faisaient payer par d’autres, les conscrits, le prix de leurs propres erreurs et de leur aveuglement. En guise de justification, Mélenchon peut bien avancer que la conscription pourrait aider à faire face … au dérèglement climatique (!), il n’en reste pas moins que cette institution est sans doute la plus criminelle de toute l’histoire des hommes.

Reste également, qu’impôt du sang ou impôt du temps, il y aura toujours quelque chose d’indécent à entendre des politiciens d’un âge bien avancé, d’élus ayant passé le plus clair de leur vie au crochet du contribuable, réclamer des jeunes une obligation de solidarité qu’ils ne se sont guère imposée à eux-mêmes. Dans un pays où la pauvreté touche un jeune sur dix (Observatoire des inégalités), ce ne sont pas les leçons de morale qui contribueront à faire société, surtout quand elles prétendent mettre toute une classe d’âge au garde-à-vous.

Dans un monde où l’insécurité prend toutes sortes de figures (environnementales, sanitaires), où les menaces ne sont que très marginalement militaires, les considérations purement militaires développées par Mélenchon ne rassurent pas sur la capacité d’un candidat dirigeant à renouveler la réflexion.

Pour Melenchon, en effet, la bombe atomique ne pose pas de problème de conscience : malgré son coût (37 milliards d’euros pour les années 2019-2025), malgré les menaces qu’elle fait peser sur le monde, en dépit du traité d’interdiction des armes nucléaires adopté par l’ONU, en dépit du caractère profondément immoral d’une arme qui prend otage les populations civiles, pour Mélenchon, elle « reste un outil irremplaçable » … 75 ans après Hiroshima et Nagasaki, des politiciens inconscients persistent à faire passer la sécurité du monde par une arme de destruction massive.


Pas de réticences non plus sur le commerce des armes dont Mélenchon (par ailleurs très attaché à Dassault...) ne remet pas en cause le principe, sauf pour critiquer la collaboration avec l’Allemagne dans la fabrication de certains types d’armements. Ni même sur la militarisation de l’espace … « contre ceux qui voudraient nous agresser. » Toujours le même refrain de ceux qui s’inventent des ennemis pour mieux préparer la guerre.

La citoyenneté par l’encasernement, la sécurité par les dépenses militaires, la solidarité confondue avec la souveraineté : on ne posera pas la question de savoir si Mélenchon est un homme de gauche ou un homme de droite, tant en la matière les conceptions sont proches, surtout après le grand virage militariste et nationaliste pris par une large partie de la gauche dans les années 80, les années Mitterrand (Hernu, Chevènement…). En revanche, par son incapacité à comprendre le monde autrement qu’à travers une grille d’analyse héritée du passé, Mélenchon ne fait que conforter ce tabou trop français qui, en dépit de toute logique, laisse la chose militaire à l’écart du débat démocratique.

 

 

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