jeudi 31 août 2023

SNU sur temps scolaire : une éducation labellisée nationale...

 

Au printemps dernier, une communication cafouilleuse autour du SNU avait pu laisser croire à un recul du gouvernement autour d’un dispositif dont il ne s’agissait en réalité que de redéfinir les modalités d’application. Modalités d’ailleurs pourtant clairement annoncées dès novembre 2022 par Sarah el Haïry lorsqu’elle avait évoqué « l'intégration [du SNU] au temps scolaire, dans l'éducation civique et morale, donc l'intégration dans les référentiels de compétences scolaires en classe de Seconde ou de Première année de CAP. » L’intégration du SNU dans la scolarité obligatoire – même si, pour l’instant, la participation des élèves reste basée sur le volontariat – est une réalité dès la présente rentrée 2023. Une décision qui n’a guère suscité de contestation. Rien de nouveau donc…

La mise en œuvre du SNU est organisée par une note de service (23/06/2023), relative à la labellisation « classes engagées, lycées engagés », nouveau gadget fourre-tout de l’EN (qui n’en manque pas) censé entretenir une « culture de l’engagement » chez les jeunes. Dans la plus pure tradition des maîtres communicants de l’EN, cette labellisation, dont l’objet affiché est d’« accompagner et valoriser la dynamique que de nombreux établissements mènent d’ores et déjà en leur sein pour favoriser l’engagement » regroupe en fait de multiples dispositifs déjà existants : E3D, Édusanté, Égalité filles-garçons, Euroscol, Génération 2024, les classes de défense et de sécurité globale (CDSG), participation aux concours mémoriels, auxquels – ajoutent les communicants en question – « elle apporte de nouvelles dimensions liées à la cohésion, à la résilience et à l’engagement »… Mais pour obtenir le label et la dotation financière de 1000 € qui va avec, les établissements devront obligatoirement y intégrer le SNU non obligatoire : « L’intégration du séjour de cohésion du service national universel (SNU) sera une des constituantes et un pilier du projet pédagogique de la classe engagée. » On notera au passage que, dans un contexte devenu banal de dénonciation du « pédagogisme », planter chaque matin les élèves au garde-à-vous devant le drapeau pour leur faire chanter la Marseillaise constitue un « projet pédagogique » … et que le « référent engagement » de l’établissement se verra rémunéré « dans le cadre du Pacte au titre de la coordination de l’innovation pédagogique. » Pédagogie, engagement, civisme, cohésion… autant de concepts que dans les bureaux de l’EN, toute une administration s’emploie obstinément à détourner au profit d’une communication qui tourne à vide.

Un SNU non obligatoire obligatoirement intégré à un dispositif facultatif ? Une situation loufoque qui ne doit pas faire oublier que le gouvernement n’a jamais définitivement écarté la perspective de sa généralisation, comme a cru bon de le préciser Prisca Thévenot, la secrétaire d’Etat chargée de la jeunesse et du SNU avec une formule dans le raffinement et la subtilité n’échapperont à personne : « Est-ce qu'on se demande si l'école s'adresse à tous les jeunes? »… Est-ce qu’on se demande si un secrétariat d’état à la jeunesse doit être couplé à un dispositif qui confond engagement et coercition ? Est-ce qu’on se demande si le ministère de l’Education nationale est dans son rôle en prenant à charge une mission qui vise au conditionnement et à la mise au pas des jeunes ?


De fait, depuis maintenant six ans que le principe du SNU est connu et mis en œuvre, la responsabilité de l’EN me semble toujours singulièrement minorée. Or, contrairement à ce qui était perçu un peu rapidement au départ (y compris par l’auteur de ces lignes…), le SNU n’est pas à proprement parler une entreprise de militarisation des jeunes (il résulte d’une demande des politiques plus que de l’armée, laquelle, jusqu’à présent, s’y est relativement peu impliquée) mais trouve sa place dans une démarche autonome de l’EN (de son administration et d’une partie de ses agents), maître d’œuvre et maître d’ouvrage d’une entreprise plus globale qui, derrière le paravent d’une préoccupation morale et civique, tend en réalité à un endoctrinement auquel nul n’est censé échapper. La forte dimension identitaire du SNU, revendiquée comme telle par ses promoteurs (il s’agit avant tout de « faire aimer la France »), balisée par l’ahurissante cérémonie quotidienne au drapeau, entre en résonance avec un retour en force à l’école de préoccupations qu’il faut bien appeler identitaires. Vu sous cet angle, il n’est pas du tout anodin que l’intégration du SNU au temps scolaire coïncide avec l’annonce de nouveaux programmes d’histoire (un retour du roman national ?) et d’une éducation morale et civique voulue comme un outil de domestication, d’intégration, à une collectivité définie comme exclusivement nationale, menacée par une immigration jugée trop envahissante. Coïncide, également, avec l’interdiction de l’abaya…

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