D’Attal, on croyait avoir tout vu, tout entendu. Concernant l’école, ses annonces à l’emporte-pièces sur l’obéissance comme vertu cardinale, sur la tradition fantasmée en matière pédagogique, ses attaques virulentes contre les élèves musulmans, étaient reçues comme la participation d’un politicien sans scrupules à la chasse à l’électorat d’extrême-droite dans la perspective des prochaines présidentielles, sa seule véritable préoccupation. Au point de reprendre intégralement à son compte le programme éducatif du RN. Mais à Viry-Châtillon (18/04/2024), dans une logorrhée d’une violence ahurissante, indigne d’un chef de gouvernement responsable, Attal a franchi des limites qu’on croyait ne jamais atteindre.
Internat punitif, collège obligatoire de 8 heures à 18 heures, conseil de discipline à l’école primaire (donc dès l’âge de 3 ans…), attribution des diplômes sur des critères disciplinaires, mention infâmante sur les dossiers Parcoursup, abaissement de la majorité pénale, sanctions pour les parents d’élèves « perturbateurs », assimilation de la religion musulmane à l’islamisme et au racisme etc : autant d’annonces certes irrationnelles, qui sentent leur Sarkozy (les tristement célèbres ERS, établissements de réinsertion scolaire, qui n’auront pas survécu à leur mentor ; les élèves censés se lever quand le professeur entre en classe), provocatrices (collèges ouverts de 8 heures à 18 heures alors que le gouvernement s’avère incapable d’assurer les heures de cours règlementaires), grotesques (le problème de la violence résolu en 8 semaines…).
Mais plus grave que le simple énoncé de ces annonces extravagantes, leur signification profonde, car il y en a une : en amalgamant des faits de nature dissemblable, tous peu ou prou ramenés à une forme de délinquance (incivilités, drogue, troubles scolaires, violence, racisme, gangs, expression des convictions religieuses etc), Attal fait de l’école un lieu d’enfermement, organisé autour de la surveillance et de la punition des élèves et attribue à l’éducation la fonction majeure de répression de tous les troubles d’une société, d’un ordre politique qu’on s’interdit de remettre en question. Bien dans la ligne qu’il s’est fixée – notamment avec le SNU ou avec ses fantasmes sur l’uniforme scolaire – le plus jeune Premier ministre de l’histoire de la France (et du plus jeune président de la république…) s’est lancé dans une croisade ciblant les jeunes d’une violence qu’on ne croit avoir encore jamais rencontrée dans l’histoire éducative de la France (sinon, peut-être, à l’époque de Vichy), dans une logique qu’il a déjà eu l’occasion d’assumer : « à l’école, on ne conteste pas l’autorité ». Mais quand l’autorité est réduite à des réflexes d’obéissance, de soumission, il s’agit alors d’une logique qu’on peut qualifier de totalitaire, ne laissant aucune alternative aux caprices du pouvoir politique du moment.
Le service public d’éducation – justification formelle de l’Éducation nationale – sous la contrainte du racolage électoral et du plan de carrière du (Premier) ministre. Le point d’interrogation qui ponctuait ma notede blog n’a plus lieu d’être : les dernières annonces du Premier ministre qui, en outre, confisque à son profit les attributions de la ministre en titre, rendent totalement inaudibles, illisibles et surtout illégitimes toutes les mesures qui pourraient être prises par l’administration pour les concrétiser. Elles devraient aussi inciter les professionnels de l’éducation à exercer une autre forme de contestation que les habituels communiqués syndicaux.
L’obéissance inconsidérée n’est pas une obligation de service public. Et la désobéissance civile face aux abus de pouvoir est même l’un des fondements de la démocratie.
Quelques jours plus tard...
A cette heure, les réactions syndicales restent comme à l’habitude singulièrement timides, concentrées pour l’essentiel sur des critiques matérielles (budget, postes, salaires etc) certes recevables mais en décalage total avec la gravité du sujet. Pour des raisons à la fois historiques et culturelles, beaucoup d’enseignant.es ne sont pas disposé.es à accepter l’idée que l’extrême-droite puisse aussi facilement mettre la main sur l’école. Ce qui est indiscutablement le cas aujourd’hui. Aucun éducateur, aucune éducatrice ne peuvent accepter de voir l’obéissance absolue à l’autorité (au demeurant jamais définie) et son corollaire, la punition, érigée en fondement de l’éducation.
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