mercredi 24 avril 2024

Les internats d’Attal : d'abord une affaire d'images...

 

Assimiler échec scolaire et délinquance, internat et prison : avec Attal, tout est possible. Sauf la honte... A force de rentrer dans les pitoyables combines du Premier ministre, de quoi l’Éducation nationale est-elle le nom ?


D’un côté Attal, Dupont Moretti, El Haïry, Ciotti, Estrosi, toute la droite pure et dure de la Côte d’Azur, des galonnés (préfet ? policier ? militaire ?), de l’autre, des jeunes, quasiment tous « issus de l’immigration » (comprenez de l’immigration africaine, on n’utilisera jamais la même expression pour désigner un jeune breton scolarisé dans le quartier Montparnasse…). A Nice, devant toute la presse embarquée pour la circonstance (1), Attal continue son show. Thème du jour : l’internat. Un internat d’un genre nouveau puisque destiné, selon l’expression de son promoteur, à accueillir/enfermer des élèves « en décrochage scolaire » et des « prédélinquants ». L’image est forte : sans doute pour la première fois dans l’histoire de l’école en France, se trouvent assimilés et institutionnalisés l’internat et la prison, l’échec scolaire et la délinquance, l’élève en situation d’échec et le délinquant… et, in fine, le délinquant et le jeune « issu de l’immigration ». Mis en scène par l’Éducation nationale, c’est tout un imaginaire aux relents colonialistes qui s’expose aujourd’hui sans complexe : celui du blanc, le maître, apportant sa civilisation, ses valeurs, au sauvage, toujours un peu un grand enfant, en échange de l'obéissance de ce dernier.

Que des élèves se prêtent à cette exhibition sordide, on peut les excuser, d’autant plus que, comme on a cru le comprendre, certains y ont été contraints et forcés. Mais que des personnels de l’Éducation nationale s’y dévoient et le service public d’éducation avec eux est une faute morale et politique dont il faudra bien un jour mesurer toutes les conséquences et assumer la responsabilité. On n’embarque pas sans dommages toute la jeunesse scolarisée d’un pays et avec elle toute une partie de l’opinion publique dans une fiction alimentée par les élucubrations qui sont traditionnellement celles de l’extrême-droite : les internats d’Attal, version scolaire d’une improbable « question de l’immigration », sont une étape de plus dans la « bataille des idées » dont Le Pen et Zemmour ont, de longue date, fixé les règles.

Bien sûr, on peut se rassurer en pensant que cette initiative ne sera pas plus durable que d’autres très voisines qui l’ont précédée (les ERS ou, dans une logique finalement pas très éloignée, les internats dits d’excellence, tous deux de l’époque Sarkozy…), autour des fantasmes partagés par une partie de l’opinion sur les vertus de l’enfermement des jeunes dans des structures où, très souvent la règle s’est trouvée confondue avec la brimade et l’humiliation, le principe d’obéissance dérivant vers l’abus sexuel (que les faits aujourd’hui dénoncés d’agression sexuelle sur mineurs aient eu très souvent l’internat pour cadre ne tient sûrement pas du hasard).

Inexcusable de la part de ceux qui s’y livrent, cette confusion des genres et des valeurs contribue encore un peu plus à faire passer les missions du service public d’éducation derrière les médiocres ambitions politiques de quelques-uns. L’Éducation nationale peut bien se gargariser des « valeurs de la république », se donner bonne conscience avec ses leçons d’éducation morale et civique, soumise aux caprices et à l’intérêt d’un ordre politique brutal, elle s’égare toujours un peu plus dans une voie sans issue. 

 

(1) Notons au passage qu'aucun journaliste présent ne semble s'être interrogé sur la matérialité d'un internat miraculeusement sorti de terre tout équipé (personnel, élèves etc), cinq jours après l'annonce de sa création par Attal. Il est vrai que Dieu a bien créé le monde en sept jours...

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