mardi 13 février 2024

2018 - 2024 : six ans pour un SNU qui n'aurait jamais dû passer son premier anniversaire.

 

Le SNU a 6 ans : c’est en effet le 13 février 2018 que Macron annonçait la mise en place d’un impensable dispositif d’encadrement autoritaire des jeunes, « quelque part entre les Chantiers de jeunesse et la caserne de grand-papa, entre une fixation irrationnelle sur la conscription et une méfiance bien réelle pour la jeunesse », écrivais-je dans la première note de blog que je consacrais au sujet.

Si cette note de blog mettait l’accent sur la portée militaire du SNU, franchement assumée par le rapport Menaouine (un général…) qui l’avait inspiré, il est vrai qu’au cours des six dernières années, même s’il n’a pas fondamentalement changé de nature, plusieurs éléments sont venus en modifier la perception.

Tout d’abord, il est incontestable que la dimension identitaire du SNU a pris le pas sur tout le reste ; à travers une extravagante cérémonie quotidienne d’hommage au drapeau, c’est bien une mystique identitaire qu’il s’agit de façonner, « l’amour de la France », avec tout ce que l’image charrie d’absurdité, d’abrutissement (et donc d’intolérance), étant passé au premier rang des objectifs. Significative, la place prise dans la communication officielle et sa réception dans les médias par cette image des jeunes en uniforme, au garde-à-vous devant le drapeau.

Par ailleurs, depuis 2018, c’est l’Éducation nationale et elle seule qui s’est vue chargée de la mise sur pied d’un dispositif qui, au fil des ans, s’est trouvé intégré à la scolarité obligatoire. Je cite l’une de mes notes de blog : 

« Engagement sans réserve de l’Éducation nationale, responsabilité entière de l’Éducation nationale : avec le SNU, ce n’est pas l’armée qui s’incruste à l’École, c’est l’École qui ouvre ses portes à l’armée et à un conditionnement généralisé des jeunes, qu’une scolarisation désormais obligatoire a rendu imparable. Aujourd’hui, cette aberration éducative, dont on ne connaît d’équivalent dans aucune démocratie, c’est l’Éducation nationale qui l’initie et la met en œuvre à travers un dispositif qui violente la diversité, la morale, les valeurs des élèves et de leur famille, celles des personnels également, un SNU qui dépouille le service public d’éducation des principes qui fondent sa légitimité et qui détourne le fondement même de l’éducation sur une voie malsaine, une voie déjà trop largement occupée par une multitude de tribuns bruyants et venimeux. »

Il faut bien reconnaître que le rôle joué par l’EN dans la mise au pas officielle des jeunes à travers un dispositif de nature totalitaire n’a jusqu’ici jamais suscité d’opposition franche et massive de la part des personnels de l’institution directement concernée. Quasiment absent des discours syndicaux, rarement évoqué dans la mouvance éducative, le SNU a pu s’imposer durablement dans un paysage scolaire (et probablement dans le quotidien de l’école si rien ne change) où il n’aura rencontré, le plus souvent, qu’une indifférence non combative mais aussi, plus d’une fois, une forme de complaisance, de complicité, allant jusqu’à la participation active. De la part d’un milieu éducatif qui affiche, au moins en paroles, un souci d’esprit critique, la pusillanimité manifestée autour d’une entreprise encore jamais vue jusque là de mise au pas de la jeunesse laisse une impression curieuse…

Dans un même ordre d’idées, il est indéniable que toute une partie de l’éducation populaire, entre adhésion dogmatique et préoccupations financières, s’est sévèrement compromise en collaborant sans état d’âme à l’implantation du SNU sur un terrain, celui de l’éducation, où il n’aurait jamais dû trouver sa place.

Six ans après son acte de naissance, et même si le SNU n’a jamais trouvé son public (un maximum de 40 000 volontaires en 2023 sur 800 000 jeunes de la classe d’âge concernée), même si sa généralisation a été plus d’une fois évoquée puis repoussée (d’abord prévue pour 2021…), c’est bien ce transfert peu contesté du SNU au cœur du service public d’éducation qui fait problème. Six ans pour un SNU qui n’aurait jamais dû passer son premier anniversaire.

Rien de nouveau, en revanche, avec le cortège de violences, brimades, humiliations qui accompagnent traditionnellement le déploiement d’un système éducatif fondé sur l’obéissance et la coercition. Pas plus que sur le coût prohibitif du SNU (160 millions € pour la seule année 2024, 3 milliards € par an en cas de généralisation), exclusivement financé par les budgets de l’éducation et de la jeunesse.

 

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