vendredi 23 février 2024

Rentrée 2026...

Septembre 2026 : rentrée en uniforme pour 13 millions d’élèves. Septembre 2026 : internement obligatoire d’une durée de 15 jours pour tous les élèves de seconde dans le cadre de l’intégration du SNU au cursus scolaire. Septembre 2026 : obligation pour chaque établissement d’organiser, conjointement avec les anciens combattants, une cérémonie avec levée des couleurs, dépôt de gerbe, minute de silence, sonnerie aux morts, Marseillaise…

Frayeur d’anticipation ? Si, du moins pour l’instant, la cérémonie dite « du souvenir » ne se rapporte qu’à une proposition de résolution déposée par une trentaine de députés de droite, son existence même donne une direction, celle montrée par une droite* décomplexée au point de reprendre à son compte, sans rien en changer, les élucubrations même les plus improbables de l’extrême-droite ; celle également d’un débat éducatif pris au piège d’une surenchère national-autoritaire validée par l’Éducation nationale.

Drapeau au fronton des écoles, à l’intérieur des salles de classe, au côté des paroles d’un hymne national dont l'apprentissage quasi religieux a pris des proportions exorbitantes – et rarement remises en question – dans la scolarité des élèves, participation de plus en plus obligée à des cérémonies dites « du souvenir », en réalité à forte connotation patriotique et militaire : à l’école, la nation se fait objet de culte avec le SNU comme achèvement ultime d’une formation qui se prétend civique alors qu’elle n’est que bourrage de crâne et mise au pas de toute une classe d’âge devant un ordre politique et social sacralisé, qualifié de républicain (appellation d’origine non contrôlée), paré de toutes les vertus et dont la critique est devenue un délit.

Cette image, complaisamment relayée par les médias, d’une jeunesse en uniforme, au garde-à-vous, accompagne une rhétorique autoritaire et punitive qui s’exprime aujourd’hui au grand jour dans tous les aspects de la politique éducative : redoublements, examen d’entrée en lycée, internats, mise à l’écart des élèves jugés déviants, repli des apprentissages sur les rudiments (confondus abusivement avec les fondamentaux) expriment une conception de l’éducation fondée sur des exigences de conformisme et d’obéissance indûment assimilées à l’autorité.

Sur l’école, comme sur beaucoup d’autres questions de société, la droite – entend-on dire couramment – aurait donc gagné la bataille des idées. Jugement hâtif : une bataille n’est possible qu’entre deux adversaires ou entre deux opinions clairement identifiées, ce qui n’a pas été le cas dans un domaine où l’opposition entre droite et gauche se réduit le plus souvent à des choix budgétaires (insuffisants en eux-mêmes pour définir une politique) ou à la sempiternelle résurgence de controverses mal posées, biaisées, voire caricaturales (autonomie des établissements, enseignement privé). Selon les cas… Sur tous ces points, la gauche n’a jamais été en mesure de porter des analyses susceptibles de contrecarrer sans ambiguïté les conceptions brutalement réactionnaires de la droite : des mesures comme la diminution du nombre d’élèves par classe ou l’augmentation du salaires des enseignants, pour justifiées qu’elles soient, sont-elles de nature, par elles seules, à réformer une « école bloquée » (Suzanne Citron), enfermée dans des habitudes héritées du passé ? On peut en douter. Sur l’école, c’est incontestablement à la pusillanimité de la gauche que la droite doit sa « victoire ».

Aujourd’hui, comme depuis six ans, à l’instigation de l’Éducation nationale, maître d’œuvre du SNU, des lycéen.nes en uniforme, sont rassemblé.es chaque matin aux accents de la Marseillaise pour une cérémonie d’hommage au drapeau. A la rentrée prochaine, dans plusieurs écoles de Béziers, les élèves porteront un uniforme dans le seul but de satisfaire l’exigence d’un maire d’extrême-droite… validée par les conseils d’école.

Septembre 2026 : à quelques mois d’une échéance électorale qui autorisera comme c’est prévisible toutes les compromissions avec l’extrême-droite, la rentrée scolaire sera la cible des déclarations les plus rétrogrades dont on a dès aujourd’hui un aperçu. Devant les atermoiements d’une gauche qui ne dépasse pas le stade des proclamations toute platoniques, il reste peu de temps à la mouvance éducative (personnels, parents, élèves) pour faire entendre une autre voix.

 

*Cette note de blog ne fait pas de différence entre droite et extrême-droite. Cela va sans dire...

 

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