samedi 15 juin 2024

Législatives : les jeunes comme "problème"

 

Ces derniers jours, la majorité (selon la terminologie officielle) a présenté son programme pour la jeunesse. D’abord par la bouche de Macron : interdiction du portable pour les moins de 11 ans, interdiction des réseaux sociaux pour tous (mais CNews est toujours autorisé), généralisation du SNU. Quelques jours plus tard, c’est au ministre de la Justice d’apporter sa contribution à ce programme éducatif en suggérant que tout délit commis par un mineur soit sanctionné, le jour même de sa constatation, par une incarcération immédiate. Sans décision de justice, une simple présomption policière remplaçant la présomption d’innocence. Cette mesure ne concernerait évidemment pas les délinquants politiques qui disposent d’une armée d’avocats (comme un certain Dupond-Moretti pour Cahuzac ou Balkany) habiles à user de toutes les ficelles de la procédure permettant de faire traîner pendant de longues années les affaires de leurs clients, au demeurant rarement jetés en prison.

Nulle surprise : ces mesures profondément humanistes s’inscrivent dans l’esprit de la politique éducative déjà définie par Attal, l’échec scolaire, première étape vers la délinquance (et le terrorisme), trouvant sa remédiation dans l’internement, les classes de niveau et l’uniforme scolaire, toute déviance étant considérée comme une atteinte aux valeurs de la république, crime absolu de la nouvelle doxa éducative, sanctionné avec une rigueur exemplaire.

Que l’électeur s’y perde un peu est dans la logique des choses : la politique éducative menée depuis sept ans reprenant intégralement le catalogue de l’extrême-droite – ce dont Marine Le Pen s’était d’ailleurs félicitée dès 2017 (1) –, il est probable qu’au moment de déposer son bulletin dans l’urne, les différences de programme entre la droite et l’extrême-droite ne lui paraissent guère significatives : à partir du moment où les jeunes sont considérés comme une menace ou, à tout le moins, comme un problème, il faut les traiter comme tels. Non pas comme une promesse de futur, ni même comme une composante naturelle de la société mais comme un corps étranger qu’il faut surveiller, mettre au pas et, pour les récalcitrants, punir. Un enchaînement infernal qui aboutit à faire de l’école un pilier d’une politique d’abord sécuritaire. De ce point de vue, Pap Ndiaye ne pouvait effectivement cohabiter avec Dupond-Moretti ou Darmanin.

Dans quelques années, les historiens retiendront peut-être que, dans la troisième décennie du 21e siècle, en France, une élection a pu se structurer non pas en fonction d’un objectif positif (pour quelque chose) mais contre une partie de la société désignée comme en danger : les jeunes et, significativement, les immigrés. Une dérive qui en dit finalement plus long sur la France, ses institutions et le corps électoral, que sur les jeunes ou les immigrés.

 

(1) « Jean-Michel Blanquer reprend à son compte nos idées sur l'école. Je ne peux que m'en féliciter. C'est une victoire idéologique pour nous, et une défaite des pédagogistes, qui ont fait tant de mal au pays ! »

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