Au fil des semaines, le dispositif « classes engagées, lycées engagés », dernier gadget en date de l’EN (voir ma note de blog du 31/08/2023) se confirme comme l’une des portes d’entrée du SNU dans la scolarité des élèves : « L’intégration du séjour de cohésion du service national universel (SNU) sera une des constituantes et un pilier du projet pédagogique de la classe engagée. » (note de service du 23/06/2023). La labellisation (1000 € par classe « engagée ») obéit à des critères injonctifs qui, mis bout à bout, aboutissent à rendre toujours plus difficile la contestation en interne du SNU.
Décourager, voire rendre impossible un refus de participation au SNU, c’est l’objet des instructions découvertes au hasard d’une scabreuse foire questions mise en ligne sur le sujet :
« La labellisation d’une « classe engagée » implique la participation, durant une même période, de tous les élèves de cette classe, à un séjour de cohésion SNU de douze jours sur temps scolaire (à l’identique des séjours hors temps scolaire), dont un week-end. »
Toutefois, les élèves concernés étant encore mineurs (il s’agit principalement des élèves de seconde) et l’administration redoutant sans doute un conflit ouvert toujours possible, il est précisé :
« Comme dans le cadre d’un voyage scolaire, la participation des élèves est fortement encouragée, tout en restant volontaire. Ainsi, si un élève ne souhaite pas participer au séjour de cohésion SNU, il sera alors accueilli dans l’établissement et suivra les enseignements dans une classe de même niveau, en fonction de l’organisation propre de chaque établissement. »
Une participation « fortement encouragée » ? Cette formulation contournée laisse deviner le harcèlement dont ne manqueront pas de faire l’objet les élèves qui refuseront le SNU : à 15 ou 16 ans, comment résister aux pressions renouvelées du chef d’établissement, maître d’œuvre du dispositif, aux sollicitations du professeur principal, à celles du professeur « référent engagement » (récompensé par une généreuse gratification de 1000 €…), aux pressions du groupe classe également ?
Même si le dispositif « classes engagées, lycées engagés » est soumis au vote du conseil d’établissement, dans les faits, tout est mis en œuvre pour restreindre la possibilité de choix des élèves…et pour décourager les velléités de contestation des autres enseignants, fermement incités à intégrer les objectifs du SNU dans leur progression annuelle :
« Le séjour s’inscrit dans un continuum d’apprentissages au sein du projet d’engagement de la classe et, plus largement, de l’établissement. À ce titre, la collaboration entre le ou les professeurs et les encadrants du séjour est essentielle pour éviter les redondances entre les activités. La complémentarité des approches sera recherchée. »
De même, le SNU étant organisé sur temps scolaire, les enseignants sont tenus d’anticiper l’absence des participants et de se plier aux impératifs du SNU :
« Dans la mesure où le séjour s’inscrit dans un projet global de classe, celui-ci contribue à l’acquisition des compétences des jeunes. Par ailleurs, l’annonce de la participation à une « classe engagée » se faisant suffisamment tôt dans l’année scolaire, cela permet à l’équipe pédagogique d’adapter sa progression. De plus, l’engagement des jeunes donne lieu à une valorisation dans le cadre de la fiche « Avenir » et dans leur parcours citoyen. »
Le SNU s’incrustant un peu plus dans le cursus scolaire, dans le paysage scolaire, c’est incontestablement l’un des effets du dispositif lycées engagés. Jusqu’à devenir incontournable ? De fait, depuis six ans que les principes du SNU sont connus, ils n’ont pas suscité de franche opposition sur le terrain, pas plus de la part des élèves que des enseignants (1), sa mise en application progressive, par petits pas, presque à bas bruit en dépit de la campagne de communication qui l’accompagne, permettant d’écarter une contestation frontale qui ne viendrait d’ailleurs peut-être pas. Si cette analyse est exacte, l’intégration du SNU à la labellisation lycées engagés ferait le pari d’une certaine indifférence des lycéens, lycéennes pas directement concernés… tout en en reportant la menace sur les futurs élèves de lycée aujourd’hui en collège, trop jeunes pour une prise de conscience de masse de la nature réelle du SNU. Vicieux les promoteurs du SNU ? On n’en doute pas…
Sans doute conforté par le climat de peur qu’il ne contribue pas peu à entretenir autour de l’école, il est peu probable que le ministre de l’Éducation nationale – ancien secrétaire d’État chargé du SNU – soit disposé à reculer sur un sujet qui, dans un pays massivement nostalgique du service militaire, lui assure à peu de frais (sauf pour le budget de l’EN que la généralisation du SNU ponctionnerait chaque année de 3 milliards d’euros) la notoriété indispensable à sa carrière. Une confusion des genres – le service du ministre avant le service public d’éducation – qui, d’une certaine façon, fait du SNU le syndrome d’un système qui ne tient que par l’obéissance à la hiérarchie : des élèves au garde-à-vous, certes mais les personnels également.
(1) Dans un même ordre d’idées, il faut noter la complicité de nouveau affichée pour le SNU de plusieurs mouvements dits d’éducation populaire (!) et … du lobby du tourisme. Le SNU, c’est aussi une question de gros sous.
Mise à jour (15/11/2023)
Arnaque confirmée avec l’annonce d’un stage obligatoire fin juin pour les élèves de 2nde, plus précisément du 17 au 28 juin 2024. Pourquoi ces dates ? Pour la « reconquête du mois de juin » comme l’affirme Attal ? Plus exactement pour les faire coïncider avec celles du SNU 2024. Comme il est fort probable que 500 000 jeunes ne pourront trouver un stage sur une période aussi brève, mais comme ce stage est obligatoire, il ne leur restera plus qu’à se rabattre sur le séjour dit d’intégration du SNU ou sur la mission dite d’intérêt général, les deux étant validés comme stage…La reconquête du mois de juin sent diablement son encasernement. La chose était attendue depuis l’intégration du SNU à la scolarité en lycée. Alors qu’en terme d’adhésion auprès des jeunes, le SNU se confirmait chaque année comme un échec certain (20 à 30 000 volontaires), avec le stage de 2nde, le gouvernement a trouvé la parade pour leur forcer la main. Une parade aux allures de magouille qui est comme une étape de plus dans la généralisation du SNU.
Reste à savoir si les premiers concernés, relativement indifférents jusqu’à présent, resteront silencieux d’ici juin. Devant la complaisance éhontée de leurs maîtres sur le sujet, c’est même aujourd’hui la seule interrogation.
Mise à jour (01/12/2023)
Magouille officialisée par un arrêté du 29/11/2023...
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