mardi 17 octobre 2023

Minute de silence : des élèves sous surveillance

 

Lundi 16 octobre, minute de silence au collège Bérengère-de-Navarre au Mans. Un journaliste du Maine Libre présent pour immortaliser le moment. Un collège « pas choisi par hasard » - comprenez qu’il est situé dans un « quartier populaire » - où s’est invitée toute une brochette d’officiels. De fait, plus que d’un témoignage pris sur le vif, il s’agit ici d’une mise en scène. Décryptage.

Une salle de classe anonyme, de la banalité d’une salle de collège.


Dans le fond, devant le tableau, les officiels : le préfet (tout à gauche sur la photo, cravaté, au garde-à-vous), le président du département, un adjoint au maire du Mans (chargé de la sécurité, mais pas celui en charge de l’Education…), la DASEN. Mines et postures de circonstance. L’heure est grave. A distance respectable, un enseignant. Il en faut bien un pour faire crédible.

En face, vus de dos, les élèves. Apparemment une classe de Cinquième. Plusieurs élèves baissent la tête, avec plus ou moins de conviction. D’autres non. L’un (probablement pas d’origine maghrébine…) a même les mains dans les poches.

Détail qui n’est pas anodin : les deux groupes se font face. Dans le cadre d’une salle de classe, on pouvait imaginer un autre dispositif, par exemple un cercle regroupant adultes et élèves dans une (hypothétique) communion de sentiment. Mais un autre plan a été choisi : les élèves non pas côte-à côte avec les adultes mais sous le regard des adultes. Des élèves sous surveillance, dont l’attitude, toute de contrition forcée, est censée refléter l’unanimité nationale.

En réalité, nul ne sait ce qui se passe à ce moment dans leur tête. Les élèves sincèrement émus ont-ils besoin d’une minute de silence officielle pour exprimer ce qu’ils ressentent ? Pour ce qui me concerne, je n’ai pas le souvenir d’avoir une seule fois respecté ce type de cérémonial, surtout pas pour satisfaire une injonction administrative. Quant aux autres, contraints et forcés, ils auront sans doute éprouvé de la gêne, une certaine honte, un ressentiment, peut-être une colère rentrée, autant de sentiments sur la valeur morale et civique desquels ont peut toujours s’illusionner.

De façon significative, au Mans comme ailleurs, l’hommage à un enseignant assassiné a été considéré comme s’étant « bien passé », c’est-à-dire sans incidents majeurs. Juste quelques « ricanements », qui ont fait l’objet de « signalements ». Un terme rentré dans les habitudes de l’Education nationale et dont on ignore d’ailleurs la portée réelle (signalement au procureur ?) sinon qu’il s’inscrit dans une logique de contrôle irrationnel qui, depuis les attentats de 2015 (une commission d’enquête sénatoriale en réponse à quelques troubles pendant une minute de silence…) est en train de devenir la norme.

Le matin même, dans ce collège du Mans, les élèves devaient ouvrir leur sac à l’entrée de l’établissement. Une déclinaison locale des préconisations délirantes émanant de quelques politiques irresponsables : maîtres-chiens dans les lycées parisiens (Pécresse), contrôle facial des élèves (Estrosi) etc.  

Une éducation nationale tétanisée par les injonctions du pouvoir politique et terrorisée par ses propres élèves ? Une voie sans issue. 

 

Mise à jour (17/10/2023, 18h30)

Saisines du procureur confirmées par Attal : l'hommage, c'est aussi du flicage. Dans la surenchère provocatrice, Attal attise les tensions, jouant sa carrière personnelle contre l'école. A partir de combien d'attentats terroristes contre l'école, se considérera-t-il comme coupable ? 

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