Dans le cadre d’une campagne électorale, les ressorts de l’adhésion ou de rejet d’un politicien sont principalement de deux ordres différents, qui ne sont pas forcément disjoints : rejet ou adhésion pour la personne ou pour son programme. Dans le cas de Mélenchon, en dépit des accents triomphalistes fusant de son camp, le rejet de la personne – assez largement répandu – tient à plusieurs facteurs.
Passons sur son interminable carrière (1) – un demi-siècle de carrière politique, multiples fonctions officielles sous les ors des palais de la république – qui rend peu crédible l’intention affichée de renouveler les institutions ou même le débat démocratique. Quand on n’a soi-même jamais été confronté à la nécessité de gagner sa vie par un travail, que sait-on de la vie, que sait-on du travail ? De fait, dans le cours d’une vie balisée par les déplacements promotionnels, les discours, les estrades et les tribunes officielles, Mélenchon n’a jamais vécu dans le monde réel ; d'où un vide qui n'est peut-être pas étranger à une philosophie politique déconnectée de la réalité des choses. Il ne suffit pas d’invoquer à tout propos « les gens » ou « le peuple » pour répondre aux nécessités du présent.
Car loin d’être l’intellectuel qu’il prétend (2), Mélenchon est d’abord est discoureur, un phraseur ; c’est là sa principale occupation, sa raison d’exister pourrait-on dire, ce que, d'une certaine façon, lui-même reconnaît ; alors qu’en 2017 on lui faisait observer qu’avec 12 % d’assiduité, il négligeait sa fonction de parlementaire européen pour laquelle il était pourtant généreusement rémunéré, il répondait sans honte, avec la suffisance qui est sa marque de fabrique : « Si je n’y suis pas, c’est parce que je suis quelque part qui me paraît plus utile, c’est ma conception du rôle, c’est à dire dans une manifestation, en train de faire des conférences, de faire mon devoir de lanceur d’alerte. » Une désinvolture qu’on retrouve à l’identique pour sa fonction toute virtuelle de député de Marseille pendant la dernière législature. Travailler au contact du terrain, comme l’exigerait la charge d’élu, il ne sait pas faire, Mélenchon. Sa spécialité, son domaine d’activité : parler fort, pérorer, lancer l’anathème, gesticuler, lever le poing, manifester, faire du bruit. En un mot : se mettre en scène. « Les gens » ne l’intéressent qu’en présence des caméras et des appareils photo, qu’en tant qu’acteurs de sa propre promotion.
Bien sûr, comme tout comédien, il ne peut vivre sans public. Avec les années, la machine est rodée : meetings de masse, foules en délire, acclamations ; à la tribune, l’acteur fait son show. Orchestrée par les Insoumis, une formation à la dénomination si peu opportune, la politique prend alors des allures de grand-messe, tout entière conduite autour de la sacralisation d’un homme (nécessairement providentiel) et de son verbe. L'image de Mélenchon à la tribune, les fidèles s’empressant dévotement autour du maître, fait immanquablement penser au Christ entouré de ses disciples… Savoir si le débat démocratique y trouve son compte est évidemment une autre histoire : j’ai personnellement tendance à penser que cette mise en spectacle, ce détournement de la vie politique, tiennent davantage d’un culte de la personnalité qui n’est pas sans rapport avec forme de populisme lorgnant vers l’extrême-droite.
Mais il faut également se poser la question de savoir quelle pourrait être la nature d’un régime naissant tout armé d’un processus bien plus autocratique que réellement démocratique : la démocratie sans débat, sans critique, sans mise à distance, sans acceptation des différences, sans respect pour l’autre, est-ce vraiment la démocratie ?
La campagne électorale de Mélenchon, construite autour de la personne d’un leader, d’un chef, c’est finalement celle d’une gauche qui a abandonné le principe d’émancipation pour se réfugier dans le confort illusoire d’un centralisme autoritaire. Un faiblesse déjà relevée à propos du programme éducatif du même candidat qui se traduit par une infantilisation – infantilisation renforcée car systémique de longue date à l’Education nationale – des acteurs de l’école, privés du droit d’initiative. En conclusion d’une campagne effectivement abêtissante, il est juste demandé aux électeurs/spectateurs de déposer leur bulletin dans l’urne puis d’attendre, de faire confiance, de s’en remettre à la volonté du nouveau maître qui, de toute façon, le système électoral étant ce qui est, ne sera jamais que l’élu d’une minorité. La démocratie confisquée : une vieille habitude que la gauche tient en commun avec la droite.
(1) Quelques étapes de la carrière politique de Mélenchon :
- Conseiller général de l’Essonne : 1985 -1992 puis 1998 -2004.
- Président du conseil général de l’Essonne : 1998-2004
- Sénateur de l’Essonne : 1986-2000 puis 2004-2010
- Ministre : 2000-2002
- Député européen (avec 12% d’assiduité…) : 2009-2017
- Député français : 2017-2022
- Apparatchik
au PS pendant 32 ans...
(2)
La "pensée" Mélenchon, c'est surtout une longue suite de détestations :
l'Union européenne (l'Allemagne tout spécialement, objet d'une phobie
quasi pathologique), l'Amérique, les autres...
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