vendredi 29 avril 2022

Mélenchon et l’Allemagne : retour à la Ligne Maginot

L’Allemagne, « un monstre, un danger, un poison » : en 2015, un pamphlet de Mélenchon, "Le hareng de Bismarck, le poison allemand", assumait ouvertement une germanophobie débridée, une vision du monde et des relations internationales non seulement archaïque mais profondément chauvine, fondée sur la peur, la méfiance envers un pays qui retrouvait sous sa plume le visage de l’ennemi héréditaire. Une prose nauséeuse que n’auraient sans doute pas reniée les revanchards d’avant 1914. Mais nous étions quand même un siècle plus tard et en 2022, ce sont les pleins pouvoirs (ou le ralliement de tous à son projet) que réclame Mélenchon.

Extraits

« Un monstre est né sous nos yeux, l’enfant de la finance dérégulée et d’un pays qui s’est voué à elle, nécrosé par le vieillissement accéléré de sa population. L’un ne serait rien sans l’autre. Cette alliance est en train de remodeler l’Europe à sa main. Dès lors, l’Allemagne est, de nouveau, un danger. Le modèle qu’elle impose est, une fois de plus, un recul pour notre civilisation. »

Tout est dit et de même qu’aujourd’hui, la guerre en Ukraine montre que Mélenchon peine à distinguer l’agresseur de l’agressé, il ne voit dans la réunification de l’Allemagne qu’une forme d’annexion de la RDA par la RFA, entretenant ainsi un stupéfiant déni de l’histoire qui fait des civils abattus devant le Mur de Berlin ou à la frontière interallemande des traitres au service de l’Amérique : « Ils [la RFA] ont annexé un pays [la RDA]. Cette méthode, ils l’ont ensuite appliquée à toute l’Europe, et maintenant c’est à nous qu’ils veulent l’appliquer. »

Pour expliquer ce qu’il considère comme un atavisme dominateur de l’Allemagne, Mélenchon se fait alors historien… à la manière de Zemmour, en travestissant un passé dont en réalité il ne connaît rien, sinon les caricatures, les poncifs qu’on croyait d’un autre âge : « Toute l’histoire de l’Allemagne a été celle de sa volonté de contrôle sur l’Europe centrale et orientale. C’est ainsi depuis si longtemps ! Depuis le Saint Empire romain germanique ! […]  La quintessence du poison allemand est là […] ce vieil esprit de système qui est la maladie des dirigeants de ce peuple […]la France « doit recracher le poison allemand. » Une débauche de digressions anachroniques (du Saint Empire à l’Allemagne !), une  analyse historique rudimentaire et sélective qui, déjà, à propos de la « volonté de contrôle de l’Europe centrale et orientale », omet de mentionner la Russie…

Caricatures encore avec les clichés alimentaires, supports de l’identité nationale dont Mélenchon se fait le chantre. Là, c’est Déroulède qui s’exprime : « Périssent l’Allemagne, son « modèle » et ses grosses bagnoles plutôt qu’un seul instant à table avec une poularde à la peau craquante, un roquefort correctement moisi et un bon verre de rouge à la robe légère. »

En 2015, on pouvait encore accueillir cette logorrhée politico-historique par des railleries ou des haussements d’épaule ; comme l’ultime fantaisie d’un politicien en fin de carrière cherchant désespérément à se raccrocher à d’antiques croyances - souverainisme, nationalisme etc - tellement nébuleuses qu’on ne se donne jamais la peine de les étayer.  Aujourd’hui, dans le contexte électoral de 2022, le politicien en question a fait des petits, à droite comme à gauche, à l’extrême-droite comme à l’extrême-gauche, tous s’avérant incapables d’exprimer une pensée qui ne serait pas enfermée dans le cadre suranné de l’identité nationale.

Dans son programme pour 2022, Mélenchon réserve une place (et un financement sans doute conséquent) au rétablissement du service militaire obligatoire. Et sans doute, en cohérence avec son pamphlet de 2015 et ses fantasmes, à la restauration de la ligne Maginot…

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