Dans un contexte électoral toujours plus dévoyé, où les combines de couloir, l’expression des ego délirants tiennent lieu de débat démocratique, l’école se voit cantonnée à son rôle habituel : soit complètement oubliée, soit objet de toutes les propositions démagogiques. Et alors que la gauche ne s’est jamais singularisée par son courage ni par sa lucidité en la matière, qu’une partie de la gauche se prépare à sacrifier les quelques valeurs qui lui restent aux pieds de la France dite Insoumise et de son grand chef, il n’est pas inutile de rappeler que le projet Mélenchon exprime sur l'école une vision lourdement conservatrice, voire réactionnaire. Les milliards d’euros annoncés ne changent rien à l’affaire : même avec un financement de gauche, l’école rêvée par Mélenchon reste une école de droite.
Un projet éducatif de droite, on sait de quoi il retourne : sélection précoce des élèves, contrôle renforcé de l’administration sur les enseignants (sous couvert d’autonomie des établissements), abandon de toute ambition culturelle au profit d’un recentrage sur les rudiments, bref un projet de classes.
Un projet éducatif de gauche, comme alternative crédible à un projet de droite, on en attend toujours la publication et ce n’est certes pas dans le programme Mélenchon qu’on en trouvera l’expression : un indigeste et bavard document de 28 pages aux analyses péremptoires et aux préconisations finalement très conservatrices.
Comme toujours en période électorale, un catalogue de supermarché offre au chaland toute une palette de produits qui seront bientôt périmés : « assurer des locaux agréables et accessibles (…) faire de la cantine un lieu d’éducation et de convivialité », des mesures qui engagent d’autant moins qu’elles sont à la charge des collectivités locales ; recrutements et augmentations de rémunération pour les personnels, autant de dispositions qui n’ont souvent que le tort de se fracasser rapidement sur le mur des réalités, celui du monde réel, une fois terminé le défoulement électoral ; outre qu’en la matière il sera difficile de faire plus mauvais que Blanquer…
Les choses sérieuses commencent lorsqu’il s’agit d’éclairer l’électeur sur les choix éducatifs préconisés pour les années qui viennent. Quelle école pour quelle société ? Mais entre les principes fièrement proclamés et leur traduction règlementaire, quelque chose se grippe…
« Ecole de l’égalité et de l’émancipation (…) une école appauvrie, des inégalités qui s’aggravent » : en grand classique du discours électoral, les principes affichés ne souffrent guère la contestation et surtout engagent peu leurs défenseurs. Surtout lorsque l’analyse se réduit à des dénonciations faciles – les « réformes néolibérales des deux derniers quinquennats » – ou à la désignation de boucs émissaires, le Medef, l’Union européenne et, bien sûr, le Parti socialiste. Mais plus fâcheuse que cette basse cuisine politicienne, l’accusation lancée contre des dispositifs pédagogiques timidement mis en œuvre ces dernières années donne la véritable dimension d’un projet éducatif qui regarde résolument vers le passé : la bête noire ici s’appelle « le socle commun [qui] porte une vision minimaliste et utilitariste des compétences (…) , les contre-réformes du lycée et du collège » qui portent en germe un « affaiblissement du lien au savoir ».
De cette rhétorique aux relents déclinistes et vaguement populiste, découle alors toute une série de préconisations visant à restaurer un ordre ancien des choses, d’un modèle organisé autour de la parole sacralisée du maître et d’une vision purement scolaire des savoirs : « transmettre les savoirs, replacer les disciplines au cœur des apprentissages en rétablissant les heures disciplinaires (…) »
Dans cette optique bureaucratique et étatique (qu’on retrouve d’ailleurs en fil rouge dans l’ensemble du programme de la France dite insoumise), qualifiée de « républicaine » - une république tellement galvaudée qu’elle sert de paravent à tout ce qui se fait de pire en matière de discrimination et de contrôle de la société - le programme prévoit de « restaurer le cadre national des diplômes, programmes, statuts et horaires » (comme si le cadre national n’était pas la norme aujourd’hui), d’ « en finir avec le contrôle continu au bac et au brevet pour garantir l’égalité et l’anonymat des candidats », d’abroger des dispositifs qui « balkanisent l’école », comme, ça ne s’invente pas, la réforme du collège… Derrière ce verbiage ronflant, une intention clairement affichée de renforcer la dimension centralisatrice et autoritaire du système éducatif, de brider toute forme d’initiative individuelle ou collective. Si la liberté pédagogique est officiellement garantie, elle ne peut se faire que dans le cadre d’une étroite surveillance, celle du corps d’inspection – la police des profs – dont le programme prévoit le renforcement.
Dans sa fièvre réactionnaire, tout le projet éducatif de la FI consiste à faire un sort aux pourtant bien timides réformes de la période précédente : réforme du collège ; des rythmes scolaires (c’est-à-dire généralisation de la semaine de 4 jours là où cette aberration n’a pas déjà été rétablie) ; réouvrir les options bi-langues/ langues anciennes en collège, en réalité des classes de niveau ; supprimer les APC en primaire. Le pire avec cette proposition : « faciliter le droit au redoublement qui pourra être proposé par les conseils de classe à des fins de remédiation pédagogique ». D’une pratique discriminatoire car touchant systématiquement les élèves issus des milieux modestes, vécue comme une menace permanente par tous les élèves et comme une brimade, une humiliation, par ceux qui la subissent, totalement inutile sur le plan pédagogique, le redoublement se voit métamorphosé en « droit » par la magie du verbe mélanchonien…
Même avec un financement de gauche, une école de droite reste une école de droite.
« Ecole de l’égalité et de l’émancipation », proclame fièrement le projet éducatif de la FI. En réalité une égalité qui se confond avec l’uniformité et une émancipation dont on peine à voir la trace dans un système éducatif replié sur des principes d’un autre âge, jamais interrogés, infantilisant et déresponsabilisant pour les personnels comme pour les élèves. Avec Mélenchon, la limite de la scolarité sera allongée à 18 ans : 18 ans, l’âge du service militaire obligatoire réclamé par le même Mélenchon, couplé à un service de travail également obligatoire, le tout d’une durée de 9 mois. L’école émancipée attendra…
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