Prétendre rassembler toute une jeunesse derrière des exercices militaires et le sang impur qui abreuve les sillons, est-ce bien raisonnable ? La dernière trouvaille de Macron, aussi peu fondée que le SNU (2018) met à mal les droits élémentaires de la personne… surtout quand la personne a moins de 18 ans.
Tir « sportif » laser, jeu de stratégie, repas autour d’une ration militaire, salut au drapeau, Marseillaise… Grand-guignolesque ? Oui mais pas seulement. Avec cette nouvelle mouture de la journée défense etcitoyenneté (JDC), émanation d’un nouveau caprice présidentiel, la mise au pas militaire et nationaliste de la jeunesse franchit un nouveau cap. A partir de septembre, tous les jeunes Français de 16 à 25 ans – 800 000 annoncés pour cette année – seront tenus de participer à un rituel qui fait d’eux des conscrits, c’est-à-dire des victimes non consentantes ou des acteurs consentants des prochaines boucheries. Et puisqu’il faut bien appeler les choses par leur nom, il faut rappeler à tous les nostalgiques du service militaire que cette institution, loin de se réduire à un rite de passage plus ou moins folklorique, a toujours eu pour fonction de préparer à la guerre, c’est-à-dire d’apprendre à tuer ou à se faire tuer sur ordre, principe au nom duquel, au cours des deux derniers siècles, plusieurs millions de jeunes, rien qu’en Europe, auront sacrifié une vie qui avait à peine débuté, pour permettre aux fauteurs de guerre d’épargner la leur. Criminel et totalitaire.
En plein été, saison de tous les coups tordus, cette annonce de Macron ne vient pas de nulle part, s’inscrivant au contraire dans un processus de militarisation d’une éducation civique scolaire gangrenée par une morale identitaire qui s’affiche de manière décomplexée à travers l’éducation à la défense (depuis 1982) et ses multiples passerelles école-armée, ainsi qu’avec le SNU et ses images de jeunes en uniforme, poussant la Marseillaise au garde-à-vous devant le drapeau. D’une certaine façon, la JDC nouvelle formule s’inscrit dans la logique de cette première initiative de Macron (2018), dont la mise en place est ralentie autant par des considérations budgétaires et logistiques que par le peu d’enthousiasme manifesté par les premiers concernés. Heureux hasard : l’obstacle budgétaire vient justement de voler en éclat avec le budget 2026 qui sanctuarise les dépenses militaires au détriment de toutes les dépenses civiles.
Comme le SNU qui s’est progressivement inscrit dans le cursus scolaire et donc, à ce titre obligatoire, la JDC militarisée, parce qu’elle s’impose inconsidérément à des jeunes de 16 ans, des mineurs considérés comme des « enfants » par le droit international, va se trouver confrontée au respect des principes régissant la liberté de conscience et le droit à l’objection de conscience (1). A moins de considérer les lycéen.nes comme des sujets de non-droit – ce que peut laisser craindre une dérive autoritaire de l’Education nationale très prononcée ces dernières années – on ne voit pas bien en quoi le tir « sportif » (contre quelle cible ?) ou les jeux « stratégiques » (contre quel ennemi ?) seraient compatibles avec le corpus de déclarations internationales signées et ratifiées par la France qui garantissent la liberté de conscience, c’est-à-dire, dans le cas présent, la liberté de refuser l’usage des armes mais aussi de ne pas se reconnaître dans l’identification obligatoire à une collectivité aussi arbitraire que la nation. A titre d’exemple, les droits reconnus aux enfants par la Convention internationale des droits de l’enfant :
« L’enfant a droit à la liberté d’expression (…) » (article 13)
« Les Etats parties respectent le droit de l’enfant à la liberté de pensée, de conscience, de religion (…) » (article 14)
A ce jour, l’annonce de Macron laisse dans l’ombre les modalités de mise en œuvre d’un dispositif qu’on sait par avance brutal et peu respectueux des droits de la personne. Mais précisément, le refus de reconnaître les jeunes comme des personnes capables de jugement ou de considérer à sa juste valeur le principe de liberté de conscience rendrait légitime le recours à la désobéissance civile. Une pratique peu reconnue en France mais il n’est jamais trop tard pour commencer…
(1) Sur la question de l’objection de conscience sous le régime de « suspension » du service militaire, voir notamment cet article : https://www.revuesilence.net/numeros/430-Alternatives-en-Corse/objecter-a-la-journee-defense-et-citoyennete
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