samedi 19 juillet 2025

Les Républicains et l'école : en uniforme à 2 ans...

 

L’école obligatoire à 2 ans en uniforme : deux ans après les émeutes consécutives à la mort de Nahel, c’est l’une des mesures préconisées par le député Jeanbrun dans son plan de « réparation des quartiers ». Si cette idée peut paraître loufoque, elle prend tout son sens dans l’esprit de son instigateur.

Incontestablement, dès qu’il s’agit de l’école, les parlementaires LR ne manquent pas d’idées. On peut même dire qu’ils ont de la suite dans les idées. Après le rétablissement de l’estrade dans les salles de classe demandé par le sénateur Brisson, le député Jeanbrun, LR également, présente son plan destiné en toute modestie  à « réparer les quartiers de la république » deux ans après les émeutes qui avaient suivi la mort de Nahel, plan dont une mesure consisterait à instaurer l’école obligatoire dès l’âge de 2 ans, avec uniforme également obligatoire. Des enfants de 2 ans en uniforme, on a beau chercher dans les annales des régimes au goût immodéré pour les jeunes en uniforme, on n’en trouve pas. Une rapide recherche en ligne peut bien faire remonter quelques photos d'enfants de 5 ans environ, mais des plus jeunes, non…

Mais si, a priori, le rapport entre les émeutes urbaines et les enfants de 2 ans ne saute pas aux yeux, tout au contraire, pour le député Jeanbrun comme pour son parti, la question fait sens : les émeutes de l’été 2023 ne sont pas la conséquence du meurtre d’un jeune par un policier mais d’un désordre imputable à ce que Retailleau dénonce comme l’« ensauvagement » d’une jeunesse sans repères, déboussolée. Et si l’obligation scolaire à 3 ans décidée en 2019 n’a pas pu empêcher quatre ans plus tard les émeutes d’embraser les villes, l’obligation scolaire à 2 ans s’impose alors comme une évidence… à condition de ne pas remarquer que la France est déjà le seul pays au monde à imposer une scolarité aussi précoce pour des résultats qui ne sautent pas aux yeux, notamment en comparaison avec la plupart des pays de l’OCDE où l’âge d’entrée à l’école tourne autour de 6 ans (7 ans en Finlande et en Estonie, pays en tête des enquêtes internationales).

Cette contradiction ne semble pas troubler outre mesure un député pour qui la question scolaire s’inscrit dans un champ beaucoup plus large – le fameux plan pour « réparer les quartiers » – qui lui donne tout son sens et s’appuie sur un certain nombre de préconisations dont chacun appréciera la portée éducative. En vrac : augmenter les pouvoirs de la police (le meurtrier de Nahel n’en avait manifestement pas suffisamment), en lui donnant notamment le droit de « fouiller une personne, ses effets, son véhicule », abaisser la majorité pénale à 16 ans, suspendre les aides sociales en cas de condamnation, exclure les familles des « délinquants » du parc social, imposer un service obligatoire aux jeunes sans formation, faire élire les juges et dans cette même cohérence, rendre l’école obligatoire à 2 ans et l’uniforme également jusqu’au lycée. Autrement dit : mettre le feu aux quartiers et la jeunesse au pas.

Rien de nouveau dans cette analyse par la droite de la question scolaire réduite à sa caricature, prise en otage dans une surenchère populiste qui voit dans l’école l’origine de tous les troubles de la société et une menace existentielle pour la république. La prise en considération du contexte social étant assimilée à une « culture de l’excuse », la recherche d’un bouc émissaire va alors de soi tout comme le programme éducatif afférent : surveiller et punir. La scolarisation obligatoire à 3 ans – qui, faut-il le rappeler, résulte d’une initiative de Macron et non de Jules Ferry qui distinguait instruction obligatoire (de 7 à 13 ans à l'époque) et scolarisation laissée au choix des familles  – entraîne l’école dans une logique d’enfermement de toute une classe d’âge définitivement considérée comme dangereuse et à contrôler. Dans cette optique, l’école obligatoire à 2 ans a la même signification que l’expérimentation hors sol imaginée par Attal d’un allongement de la journée en collège de 8 heures jusqu’à 18 heures. Dix heures derrière les murs. Surréaliste et probablement infaisable, ce projet de l’ancien ministre de l’Education nationale s’inscrivait dans une logique de communication adressée à une partie de la société qui est manifestement celle du député Jeanbrun et qui s’est traduite ces dernières années par une escalade d’annonces de nature sécuritaire, pour l’instant plus ou moins appliquées sur le terrain mais qui vont toutes dans la même direction : systèmes de plus en plus étouffants de « sécurisation » des établissements, fouilles policières ridiculement inefficaces mais toujours scénarisées, uniforme scolaire, SNU, judiciarisation des désordres scolaires etc, autant de mesures qui sont la marque d’une pensée éducative commune à la droite et à l’extrême-droite, fondée sur l’enfermement et la contrainte.

Enfermement, contrainte, deux principes considérés comme indispensables à la réalisation d’un autre objectif qui, lui, ne se présente pas ouvertement comme tel, mais dont les derrières années ont donné un aperçu : celui d’une sélection précoce des élèves rendue possible par la multiplication des évaluations nationales, les classes de niveau et les examens de passage – ces deux derniers pour l’instant plus ou moins tempérés par les aléas du calendrier politique – autant de mesures dont on comprend qu’elles participent d’un projet éducatif socialement discriminatoire parfaitement cohérent.

Et parfaitement en phase, également, avec la « réparation » des quartiers rêvée par le député Jeanbrun…

 

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