Le très fantaisiste rapport sur les Frères musulmans d’un ministre en campagne électorale sur les terres de l’extrême-droite pousse toujours plus loin ce qui ne peut plus se cacher comme une forme de persécution officielle, systémique, de toute une partie de la population française.
L’impayable rapport du ministre de l’Intérieur sur les Frères musulmans nous fait replonger quatre ans en arrière avec la loi (24 août 2021) censée « conforter les principes de la République ». A cette époque déjà, le prédécesseur de Retailleau, Darmanin, racontait à qui voulait l’entendre – et un ministre de l’Intérieur est toujours plus entendu que n’importe quel autre personnage public – qu’il avait découvert des « petites filles voilées », non scolarisées, privées de soin, enfermées dans un hangar. Quatre ans plus tard, on n’en sait toujours pas plus sur ces petites filles mais cette vision délirante d’un ministre sans scrupules, relayées en boucle par les médias, avait débouché sur une loi d’exception, de nature totalitaire, une de plus dans la hargne manifestée par la république contre tout ce qui ressemble de près ou de loin à un musulman. Outre la stigmatisation renforcée (dans les associations, la pratique du sport etc) sur les « signes extérieurs » d’appartenance religieuse, ce caprice ministériel avait, en outre, purement et simplement supprimé la liberté d’instruction, une liberté fondamentale jusque-là jamais remise en cause, plongeant dans le désarroi quelques milliers de familles et des parents aujourd’hui jugés comme des délinquants lorsqu’ils refusent d’inscrire à l’école un enfant de 3 ans. Preuve, s'il en fallait une, que la mise à mal de l'état de droit est une menace pour toute la société.
Quatre ans plus tard, donc, à partir des mêmes fantasmes d’un autre ministre de l’Intérieur en campagne électorale sur les terres de l'extrême-droite, la chasse aux musulmans est à nouveau ouverte – la saison de chasse court sur douze mois – et Macron exige toutes affaires cessantes de nouvelles mesures dont la teneur n’échappe à personne. Déjà, la meute se lance avec sa tête – ce qui ne surprend personne – le très agité Attal qui, après avoir il y a quelques jours, obtenu la tête de la justice des mineurs, demande aujourd’hui celle des jeunes filles de moins de 15 ans portant foulard qu’il souhaite chasser de la voie publique. Son argumentaire est à la mesure du personnage : « Personne ne peut imaginer que c'est le choix libre et éclairé d'une fillette de 5 ou 6 ans que de se voiler. »
Non, certes mais personne ne peut non plus imaginer que c’est le choix libre et éclairé d’un enfant que d’être conduit à l’église pour y être baptisé.
Personne ne peut imaginer que c’est le choix libre et éclairé d’un enfant que de porter la kippa.
Personne ne peut imaginer que c’est le choix libre et éclairé de jeunes enfants que d’être enfermés dans un établissement catholique sous contrat avec l’état pour y être violentés et violés.
Personne non plus ne peut imaginer que le ministre en charge de l’éducation en 2023-2024 ait pu couvrir par indifférence ou par complaisance des agissements que nul ne pouvait ignorer.
Personne ne peut imaginer que la carrière politique d’un Attal, d’un Retailleau, d’un Darmanin ou de quelques autres puisse se bâtir sur la détestation d’une religion ou peut-être même, des Arabes.
Personne ne peut imaginer que la laïcité « à la française » puisse conduire à raturer d’un trait de plume quelques-uns des droits fondamentaux garantis par des textes signés et ratifiés par la France.
« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites. » (Déclaration universelle des droits de l’Homme et du citoyen, 1948, article 18). Principe repris quasiment à l’identique par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (1950) ou encore par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2000).
Personne ne peut imaginer que les droits des enfants garantis par la Convention internationale des droits de l’enfant (1989) puissent être bafoués par ceux qui se sont engagés à la faire respecter :
« Les États parties respectent le droit de l’enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Les États parties respectent le droit et le devoir des parents ou, le cas échéant, des représentants légaux de l’enfant, de guider celui-ci dans l’exercice du droit susmentionné d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités » (article 14).
Personne ne peut imaginer que l’impensable et l’indicible en matière de détestation d’un groupe humain sommé de se rendre invisible, puisse être pensé et dit.
Personne ne peut imaginer, au moment où à Gaza, Arabes et musulmans palestiniens font l’objet – parce que arabes et musulmans – d’un nettoyage ethnique en bonne et due forme, que l’islamophobie et le racisme anti-arabe puissent servir, en France, de carburant aux prochaines campagnes électorales.
Personne ne pouvait l’imaginer et pourtant, c’est bien ce qui se produit.
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