samedi 5 avril 2025

L’éducation morale et civique malgré Le Pen et Sarkozy ?

 

L’affaire Le Pen illustre une nouvelle fois la contradiction flagrante entre l’éducation morale et civique officielle des programmes scolaires et le cynisme avec lequel les politiques s’affranchissent des principes civiques et moraux quand ça les arrange.

Sur l’inéligibilité de Le Pen, que dire qui n’ait déjà été dit, sinon que la peine d’exécution provisoire sur laquelle se focalisent ses partisans, occultant le fond de la condamnation, a surtout pour effet de passer sous silence une vérité beaucoup plus triviale : une délinquante peut-elle briguer la plus haute fonction d’un état sans porter un coup fatal à la démocratie ? Passer sous silence également, cette contradiction entre le respect de quelques principes fondamentaux inculqués aux jeunes, notamment dans le cadre de l’éducation morale et civique (EMC), et l’aplomb avec lequel les politiques s’en dispensent dès lors qu’ils sont eux-mêmes mis en cause. 

Effectivement, les programmes officiels d’EMC qui s’adressent – et s’imposent comme normes – à quelque 12 millions d’élèves affichent comme objectif d’aider les élèves « à élaborer une idée du bien public qui transcende les intérêts particuliers…Les valeurs et les principes de la République fondent le pacte républicain garant de la cohésion nationale, en même temps qu’ils protègent la liberté de chaque citoyen, contribuent à l’égalité de toutes et de tous, promeuvent les liens de civilité structurant une société proprement démocratique et permettent le débat d’idées .» Plus spécialement, en classe de 4e, « la loi et l’organisation de la justice sont abordées comme des instruments en vue de la protection des individus, en tant qu’elles permettent de pallier les atteintes à leurs libertés et de maintenir l’ordre public garanti par l’État au nom de l’intérêt général de la Nation… l’indépendance de la justice est une condition de l’État de droit, son organisation garantissant le traitement équitable des justiciables. » Les élèves de 2nde comprennent que « l’État de droit, dans lequel la justice est indépendante, les pouvoirs publics sont soumis au droit et les citoyens égaux devant la loi, est garant des libertés et des droits fondamentaux. »

Auréolés de toutes les vertus civiques dans leur transcription scolaire, ces principes ne valent donc plus grand-chose dans le cas d’un détournement de plus de 4 millions d’euros de fonds publics, fait pourtant connu et même reconnu par la principale intéressée qui persiste à en nier le caractère délictuel en dépit des preuves apportées tout au long d’une procédure qu’une armée d’avocats aura permis d’étirer sur une dizaine d’années. Par le miracle d’un battage médiatique assourdissant relayant une mauvaise foi décomplexée, une délinquante condamnée à une lourde peine de prison – qu’elle n’effectuera probablement jamais – réussit à se faire passer pour une victime. La république, si prompte à sanctionner toute atteinte à ses valeurs officielles dans le cadre scolaire, où, selon sa formule rituelle, « elle ne laisse rien passer » (sauf les violences commises par son personnel sur les élèves), est vraiment bonne fille lorsqu’il s’agit de protéger les élus, les puissants.

Il s’agit pourtant ici de bien autre chose qu’un foulard ou qu’une robe longue…mais de la crédibilité et de la légitimité des institutions politiques. Dans le cas de Le Pen comme dans celui du financement libyen de Sarkozy ou de bien d’autres encore qui font tache dans l’exemplarité des leçons de morale civique infligées aux élèves, les écarts de conduite sont d’une autre nature : violer la loi en toute impunité parce que, d'une certaine façon, on détient le pouvoir ou on en est proche, bénéficier d’une sorte de complicité clanique dans une classe politique prompte à effacer les lois qui remettent en cause ses privilèges, menacer ouvertement les juges, appeler sans en avoir l’air à un coup de force dans la rue, c'est le principe constitutif de la mafia.

Comparé à celui de ses voisins, le système éducatif français accorde une importance toute particulière à l’EMC, ou, plus précisément, à un programme officiel traduit par un horaire spécifique et même par un examen en fin de collège. En toute logique, la république française, fortifiée sur les bancs de l’école par une imprégnation profonde et continue de ses futurs citoyens, devrait être exemplaire, un modèle pour la planète. En réalité, ni exemple ni modèle, en dépit du culte  dont elle fait l’objet à l’école porté par un discours performatif (les programmes officiels) autour de ses prétendues « valeurs », on doute qu’elle soit en mesure de gagner la confiance de ses futurs citoyens auxquels n’échappe probablement pas la contradiction flagrante entre les principes affichés et le monde réel.

Le financement (présumé) d’un candidat à la présidentielle par un régime terroriste ou d’une candidate à la présidentielle par un détournement de fonds publics, l’arrogance avec laquelle les délinquant.es (présumé.es) peuvent repousser les échéances judiciaires, alors qu'au même moment le législateur abaisse la limite d’âge pour la comparution immédiate  des mineurs (une sénatrice a proposé 13 ans !),  le cynisme du même législateur qui peut faire et défaire les lois en faisant passer l’intérêt des amis avant l’intérêt général : de quoi cette république est-elle vraiment le nom ? Et quelle crédibilité alors pour une éducation morale et civique qui la sacralise ?

« Notre problème éducatif souffre en somme de ne viser unilatéralement que l’enfant qu’il faut élever et de négliger unilatéralement aussi le fait que les éducateurs adultes n’ont pas été eux-mêmes éduqués […] Les enfants sont éduqués par ce que l’adulte est et non par ses bavardages. » C.G. Jung, L’âme et la vie, 1963. Les éducateurs adultes mais les politiques également…

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