Pas une semaine sans la découverte de violences et d’abus en tout genre commis sur des élèves par des personnels rémunérés par l’Éducation nationale. Pas une semaine sans la confirmation que la violence éducative ordinaire en France n’appartient pas au passé mais qu’elle perdure dans le silence coupable d’une administration et de ses ministres en titre, de Bayrou à Borne, dont les dénégations malhonnêtes cachent mal une forme de complicité voire de complaisance pour un type d’éducation, fondée sur un principe d’obéissance absolue à l’autorité, qui, ces dernières années, a fait un retour en force dans les discours publics. Bétharram, quoiqu’on en dise, c’est d’abord le scandale d’un ordre scolaire qui dépasse largement la perversité sexuelle de quelques individus, ensoutanés ou non, un ordre scolaire en quelque sorte légitimé par la présence à la tête de l’Éducation nationale (1993-1997) d’un parent d’élèves qui avait fait le choix de Bétharram pour l’éducation de ses propres enfants. Ce qui n’est quand même pas rien…
Dans ce contexte, le silence et la mauvaise foi d’E. Borne paraissent d’autant plus choquants qu’ils s’accompagnent d’une campagne médiatique assez obscène lancée avec (à l’initiative de ?) son collègue de l’Intérieur qui consiste en une fouille méticuleuse des sacs des élèves par la police à l’entrée des établissements. Opérations ubuesques mais aujourd’hui banales qui ne trouvent de sens - car il s'agit bien d'une mise en scène - que dans le relais bienveillant assuré par la presse, systématiquement alertée à l’avance, qui, comme le montre ce titre extravagant de Ouest France, semble toute disposée à croire dans la réalité des fantasmes sur les cartables remplis d’armes et de stupéfiants. Si stupéfiant il y a, c’est le fait que, ces derniers jours, plusieurs milliers d’élèves aient ainsi pu faire l’objet d’une forme d’humiliation publique destinée à renforcer aux yeux des braves gens – et de la plupart des profs qui, à ma connaissance n’ont pas condamné la pitrerie (1) – une image de délinquants potentiels bien dans l’air du temps. Dans le Bade Wurtemberg, dès l’âge de 16 ans, les jeunes peuvent présenter des candidat.es aux élections locales. Une initiative prise par le parlement du Land en 2023 et qui témoigne d’une réelle confiance des politiques et de la société civile pour les jeunes, confiance dont on chercherait en vain l’équivalent de ce côté-ci du Rhin où, tout au contraire, la méfiance pour la jeunesse tient une place de choix dans un populisme éducatif orienté vers la surveillance et la punition (SNU, uniforme scolaire, abaissement de la majorité pénale etc). Un réel problème qu’il serait bon de regarder en face avant que l’extrême-droite n’arrive pour de bon au pouvoir dans deux ans.
L’ordre règne à l’entrée des établissements scolaires. Derrière les murs, des adultes dépravés peuvent attendre tranquillement la prescription ; l’Éducation nationale regarde ailleurs.
Sur ce même thème, je fais remonter une note de blog écrite il y a un mois.
En plein scandale Bétharram, avec un à-propos et un sens du timing qui n’échapperont à personne, l’Éducation nationale se lance dans une nouvelle campagne de communication dont elle a le secret : la violence à l’école. Non pas la violence de l’école, celle des surveillants cogneurs et des directeurs violeurs, celle qu’ont subie des milliers d’élèves victimes des abus d’un ordre scolaire étayé par une forme d’autorité trop souvent confondue avec l’obéissance ou la soumission, qui n’accepte qu’à reculons la parole d’un élève qui doit attendre l’âge adulte pour oser s’exprimer, le temps pour les adultes abuseurs de bénéficier d’une miraculeuse prescription (« Dieu merci, ces faits sont prescrits », comme le disait le cardinal Barbarin…). Non, l’Éducation nationale et ses responsables, si discrets quand il s’agit de Bétharram et d’autres établissements où la violence dite éducative ordinaire a pu s’épanouir, préfère donner le change avec une thématique tellement plus facile à gérer auprès de l’opinion publique : les sauvageons, les « perturbateurs », qui hantent le cerveau des politiciens sans doute davantage que les salles de classes (...)
Suite :
https://blogs.mediapart.fr/b-girard/blog/060325/l-ecole-l-indiscipline-vue-comme-un-delit
(1) Je n’évoque pas ici le rôle trouble joué par les chefs d’établissement qui ne semblent guère s’émouvoir de se voir confier une fonction d’auxiliaire de police.
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