vendredi 7 mars 2025

Entre Bétharram et Al Kindi, la république fait son tri

 La complaisance manifestée par l’Éducation nationale et les pouvoirs publics pour Bétharram tranche singulièrement avec la brutalité de rigueur pour les établissements musulmans, faisant voler en éclat les leçons de morale sur les « valeurs de la république » à l’école.

Sadisme, déviances sexuelles, violences en tout genre : à Bétharram, la terreur érigée en système n’aurait pu perdurer sur une aussi longue période sans le silence qui l’a entourée, silence qui vaut complicité et complaisance. Le tout dans un mélange nauséabond d’hypocrisie, de mensonges, qui décrédibilisent et déshonorent ceux qui s’y livrent : Éducation nationale, Enseignement catholique, épiscopat, responsables politiques, au premier rang desquels le parent d’élèves/ministre de l’Éducation nationale/maire de Pau/député/président des Pyrénées atlantiques/ministre de la Justice/Premier ministre Bayrou, tous dissimulant leur veulerie derrière la fausse excuse de l’ignorance : « nous ne savions pas », affirment-ils la main sur le cœur en dépit des multiples signaux lancés désespérément par quelques élèves auxquels les autorités sont restées sourdes et aveugles, notamment l’Éducation nationale qui s’est complètement désintéressée du devoir de contrôle qu’elle était pourtant tenue d’assurer sur un établissement sous contrat… devoir de contrôle qu’elle préfère réserver à d’autres établissements sous contrat, les établissements musulmans, dont elle n’hésite pas à résilier brutalement le contrat, jusqu’à les faire pratiquement disparaître du paysage scolaire.

De fait, à la lumière du scandale Bétharram, on ne peut manquer d’être choqué par la différence de traitement entre les établissements privés catholiques et les établissements privés musulmans théoriquement placés sous le même régime de droits et d’obligations – le contrat d’association avec l’état – complaisance aveugle pour les premiers, méfiance de principe et surveillance quasi policière pour les seconds. Illustration avec la fermeture de l’ensemble scolaire Al Kindi dans l’agglomération lyonnaise, décidée arbitrairement par la préfète du Rhône – comprenez par Retailleau – suite à une série de contrôles aussi loufoques que totalitaires lancés par une administration scolaire aux ordres et un corps d’inspection confondant sa fonction pédagogique avec une mission de basse police. Mediapart a relaté cette délirante descente de police du 4 avril 2024, la cinquième en moins d’un an, menée par pas moins de six « inspecteurs » présumés, épaulés par trois individus à la fonction non identifiée, poussant le zèle jusqu’à demander aux élèves de présenter leur carte d’identité, fouillant, fouinant partout avant de dénicher dans les étagères du CDI ce qu’ils étaient venus y chercher : quatre ouvrages – d’ailleurs non consultables directement par les élèves – considérés comme « contraires aux valeurs de la république », crime absolu aux yeux de l’Éducation nationale et justifiant aux yeux des enquêteurs-commissaires politiques la rupture du contrat équivalant pour l’établissement à sa fermeture.

Valeurs de la république, disent-ils : à Bétharram, coups, viols et agressions sexuelles perpétrés en toute impunité sur des centaines d’élèves (150 plaintes déposées à l’heure actuelle), tolérés en toute connaissance de cause par les pouvoirs publics, défendus par le mensonge des notables, ne sont pas constitutifs d’une atteinte aux valeurs de la république, mais à Lyon, tout au contraire, quatre ouvrages laborieusement dénichés dans un CDI ainsi qu’une proximité fantasmée avec « la pensée des Frères musulmans » suffisent à faire fermer un établissement… « Pas de signalements », affirme E. Borne à propos d'un autre établissement où les langues commencent à se délier ? Mais partout ailleurs, des chefs d’établissement disciplinés, tout pénétrés des « valeurs de la république », font remonter à leur hiérarchie des signalements pour d’improbables « atteintes » à une improbable république, signalements motivés par un foulard, une robe un peu longue, un sourire en coin pendant une minute de silence, une « contestation » pendant un cours. Autant de faits jugés intolérables par une république si accommodante pour le martyr infligé à des générations d’élèves dans des établissements auxquels les pires dérives sont pardonnées, puisque non musulmans, c’est-à-dire, in fine, français de souche.

Certains commentateurs s’en sont tirés à bon compte en voyant dans l’affaire Bétharram un nouvel et banal épisode d’une très hypothétique querelle scolaire public/privé, négligeant le fait que cet établissement, par le principe du contrat avec l’état, « participe – selon la formule officielle – au service public d’éducation », service placé sous l’autorité morale d'une administration dans le cas présent lourdement défaillante. En réalité, avec Bétharram, est mise une nouvelle fois en lumière la contradiction entre une Éducation nationale si prompte à exiger des élèves et des personnels le respect de principes prétendument républicains et les compromissions honteuses auxquelles elle se livre.

 

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