dimanche 1 septembre 2024

Treize millions d’élèves et une ministre démissionnaire toujours en poste...

 

Lunaire, surréaliste, ubuesque. Les mots manquent pour désigner la conférence de presse de la ministre démissionnaire de l’Éducation nationale, indéboulonnable comme ses collègues en dépit de la cinglante défaite électorale subie par son parti il y a presque huit semaines.

Irrespectueuse, désinvolte, arrogante, cette façon de se cramponner à son poste l’est assurément mais, plus grave, cet irrespect, cette désinvolture, cette arrogance déteignent sur toute une administration – celle de l’Éducation nationale – qui lui offre le support de sa logistique tout entière mobilisée au service de « sa » ministre et de la communication gouvernementale, dans un contexte où la légitimité du pouvoir est justement mise en cause. Service ? Si les mots ont un sens, en se mettant au service d’une ministre et de son gouvernement, c’est bien le service public d’éducation qui se trouve dénaturé.

La tendance n’est certes pas nouvelle, aggravée ces derniers mois par la politique éducative d’Attal – aussi bien comme ministre de l’Éducation nationale que comme Premier ministre – marquée par une personnalisation effarante de la prise de décision (« je veux ») touchant tant à des questions fondamentales (liberté pédagogique, fin du collège unique, examen d’entrée en lycée etc) qu’à des gadgets censés complaire à l’électorat d’extrême-droite (uniforme scolaire…) ou aux arrière-grands-parents (téléphone portable).

Cette inclination à parler à l’électeur à travers le BOEN n’est certes pas une chose nouvelle, tout problème politique, social, moral étant mis sur le compte d’un défaut d’éducation ou d’une faille du système éducatif à laquelle une injonction, un claquement de doigt seraient censés remédier. En 2015, déjà, la responsabilité des attentats n’était-elle pas attribuée à l’école où, paraît-il, « on avait laissé passer beaucoup de choses » (Valls)… ? Ou encore lorsqu’un attentat antisémite est présenté comme la conséquence d’une insuffisance des programmes d’histoire sur la Shoah. Il est vrai qu’on ne pose jamais la question en ces termes lorsque l’attentat vise une mosquée…

Avec sa conférence de rentrée, une ministre qui ne l’est plus a donc pu, devant des médias aussi peu critiques que de coutume (1), tracer les grandes lignes de ce que sera l’année scolaire de quelque 12, 5 millions d’élèves. Même si, pour l’essentiel et par tradition, la rentrée est mise en œuvre de longs mois à l’avance, il n’empêche que ce coup de force très macronien n’est possible que dans un système autoritaire et centralisé où toute décision, même la plus improbable, se trouve relayée à chaque échelon de la hiérarchie.

Ce qui pose indéniablement la question de la légitimité d’une politique élaborée dans le secret d’un cabinet, non démocratique, qui déresponsabilise et infantilise les personnels aussi bien que les élèves. Dit autrement, il faudra bien un jour travailler l’hypothèse d’un véritable service public d’éducation – avec les obligations qui vont avec, guère respectées aujourd’hui – délivré de la tutelle étouffante d’un.e ministre toujours en représentation et d’une administration simple – mais brutal – relais du pouvoir politique.

Un service public d’éducation sans Éducation nationale ? « Un rêve ou une révolution copernicienne » comme se le demandait déjà Suzanne Citron.

 

(1)... et qui font leurs gros titres sur "l'interdiction du téléphone portable" en 2025, déjà interdit une première fois en 2010 puis en 2018, ou encore sur l'uniforme scolaire introduit dans quelques dizaines d'établissements...sur 60 000.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Le venin dans les têtes, le venin dans l'école

  Le RN premier parti de France : ce n’est plus un cauchemar, c’est une réalité. Refuser de poser la question de savoir comment le cauchem...