Un partenariat officiel entre Charlie Hebdo et les lycées d’Ile-de-France : une initiative de Pécresse qui en dit plus sur Pécresse et sur Charlie Hebdo que sur l’antisémitisme supposé des élèves.
En 2025, un partenariat avec Charlie Hebdo pour tous les lycées d’Ile-de-France ? C’est en tout cas l’idée avancée par V. Pécresse au milieu d’une assemblée enthousiaste de militants LR. Il s’agira d’un concours de caricatures, parce que – explique-t-elle – « l’humour fait partie de la république et qu’on défendra partout la liberté d’expression. » A condition – a-t-elle oublié d’ajouter – de laisser à l’écart de l’humour et de la liberté d’expression un chef de gouvernement israélien (le célèbre « nazi sans prépuce »), mais également bien d’autres sujets étroitement balisés par le Code pénal et les règlements scolaires sous la désignation aussi vague qu’arbitraire, souvent risible, d’ « atteintes aux valeurs de la république », quand il s’agit par exemple, de sanctionner des élèves dont les convictions – morales, philosophiques, religieuses, politiques ou encore vestimentaires – font l’objet d’une étroite surveillance au sein même des établissements. L’humour républicain a ses limites…
Ce qui ne fait pas rire, c’est le principe d’un partenariat conclu avec une publication dont la ligne éditoriale – caractérisée par une islamophobie obscène et des fantasmes identitaires – se voit grandes ouvertes les portes des lycées, par le seul fait de la princesse. Que l’attentat dont il a été victime ait conduit l’hebdomadaire à s’aveugler sur certains sujets jusqu’à s’acoquiner avec l’extrême-droite est une chose mais que cette publication se voit accéder au rang de support pédagogique officiel dans le cadre d’un établissement scolaire pose des questions de deux ordres : peut-on former à l’esprit critique et à la tolérance en choquant brutalement les convictions d’une partie des élèves, question que l’Éducation nationale, au-delà des lycées d’Ile-de-France, ne semble pas se poser très souvent ? Par ailleurs, appartient-il à une présidente de région, à une militante, dans le cadre d’un meeting politique, d’imposer ses choix, ses valeurs, à un service public d’éducation dont le principe est, précisément, d’accueillir tous les jeunes dans leur diversité ? Un principe avec lequel, il est vrai, l’Éducation nationale a pris depuis quelques années beaucoup de liberté. On doute que les établissements visés par l’initiative aient été consultés.
Dans un même registre, celui de l’instrumentalisation de la mémoire par les politiques, la même Pécresse, a annoncé que la région allait « doubler les voyages à Auschwitz » en 2025 pour les élèves franciliens à l’occasion du 80e anniversaire de la libération des camps de concentration. Ignorant les avertissements des historiens et des chercheurs impliqués dans les questions mémorielles qui émettent de sérieuses réserves sur l’impact réel des commémorations obligées et leur efficacité dans la lutte contre le racisme (1), Pécresse aggrave son cas en reprenant à son compte le thème éculé de l’antisémitisme des banlieues (« Il n’est plus acceptable que l’antisémitisme devienne un fléau dans notre région. ») Région pouvant, dans sa bouche se traduire par migrants, arabes etc… allusion parfaitement comprise et chaleureusement applaudie par les militants présents dans la salle. L’instrumentalisation de la Shoah par la droite et l’extrême-droite n’est pas une chose nouvelle : détournée d’une réalité historique indiscutable qui a vu l’Europe chrétienne se livrer sans avoir à forcer sa nature au génocide de 5 millions de juifs, l’histoire de cette période est ainsi récupérée par toute une mouvance d’ailleurs idéologiquement plus proche de Pétain que de De Gaulle dans une tentative éhontée de stigmatisation des jeunes de banlieues, des musulmans, des Arabes.
Cette initiative de Pécresse – entre sordide et mesquin – ne pouvait que flatter les convictions d’O. Nasrou, tout nouveau promu secrétaire d’état à la citoyenneté, d’ailleurs présent dans la salle, dénonciateur farouche des « idéologies islamistes et wokistes » à l’école. Que l’enseignement de l’histoire, que l’éducation morale et civique des élèves puissent se retrouver dans leurs attributions a de quoi inquiéter.
(1) Sarah GENSBURGER et Sandrine LEFRANC, A quoi servent les politiques de mémoire ? Presses de la Fondation des Sciences politiques, 2017.
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