C'était attendu : avec un programme économique, social et environnemental inexistant, l’extrême-droite ne trouve vraiment à s’exprimer que sur ses fondamentaux, l’identitaire et le sécuritaire, deux domaines qui trouvent avec l’école leur terrain d’élection.
Assez logique en fin de compte : avec un programme économique, social et environnemental inexistant, l’extrême-droite ne trouve vraiment à s’exprimer que sur ses fondamentaux, l’identitaire et le sécuritaire, deux domaines qui trouvent avec l’école leur terrain d’élection. Contrairement à une opinion souvent entendue, l’école n’est pas une « passion française » – elle se porte plutôt mieux chez nos voisins où l’on en parle moins – mais bien plutôt un dérivatif qui permet aux politiques, tout en tentant de masquer leur ignorance crasse du sujet, de se défouler sur une classe d’âge qui, manifestement, leur pose problème.
Dans la rhétorique d’extrême-droite sur l’école, il y a quelque chose de fascinant et d’effrayant. Fascinant comme ce catalogue de poncifs qui tient lieu d’analyse et de projet éducatif. Effrayant dans la perspective de voir ce projet légitimé, rendu possible, par une majorité (même relative) d’électeurs pour lesquels, finalement, l’uniforme obligatoire ou les centres éducatifs fermés compteraient davantage que la réduction des inégalités, le progrès social ou les bouleversements environnementaux.
A côté de la sélection précoce des élèves (examens d’entrée en 6e et en lycée) inhérente à des préoccupations plus sécuritaires que pédagogiques, d’une vision desséchée des savoirs scolaires (les prétendus fondamentaux), de la focalisation sur une identité collective réductible à l’affichage d’une frise chronologique dans les salles de classe, tout le reste relève d’une méfiance viscérale pour les élèves qui se traduit par une inflation punitive sans fin. L’imagination est ici débordante.
A côté des grands classiques de la communication politique usés jusqu’à la corde (notamment par Sarkozy en son temps) – vouvoiement des enseignants, interdiction des portables, uniformes – on notera surtout le glissement significatif du registre pénal au domaine scolaire : la création de peines-plancher - jusque-là réservé à la grande délinquance et dont l’automaticité est la négation du principe d’éducabilité - trouvera sa place dans le règlement des établissements. De même, la mise en place, sous l’autorité des chefs d’établissement, de centres éducatifs fermés pour élèves « perturbateurs » est la transcription d’un dispositif pénal déjà existant (CEF) mais concernant des mineurs délinquants et qui y sont placés par décision judiciaire. Cette évolution inédite et ahurissante de l’institution scolaire – outre que sa base légale paraît singulièrement douteuse – contribuerait à donner aux chefs d’établissement les pouvoirs d’un gardien de prison, dénaturant définitivement la fonction de l’école.
Pour l’extrême-droite, la fonction première de l’école n’est donc pas d’éduquer mais de surveiller et de punir, de mettre au pas la jeunesse, comme le confirme cette dernière mesure, bien propre à satisfaire un électorat toujours demandeur : conclure la scolarité obligatoire par un service militaire d’une durée de trois mois. Si le financement n’est d’ailleurs pas précisé, le signal est suffisamment fort pour qu’il ne soit pas nécessaire d’insister.
Avec cette corruption de la fonction de l’école, l’extrême-droite donne un aperçu de ce que pourrait être une société écrasée par des principes totalitaires, brutalisée en toute légalité par un parti politique ne représentant au final qu’une fraction de l’électorat. Une société qui sort de l’état de droit. Mais s’il faut rappeler, au risque de lasser, que ce projet d’extrême-droite était déjà largement en germe dans les déclarations d’Attal ces derniers mois (« à l’école française, on ne discute pas l’autorité… »), on passerait à côté de l’essentiel si l’on refusait de voir qu’en France, au 21e siècle, la grande peur des jeunes et son corollaire, sa brutalisation, constituent un argument majeur pour remporter des élections. Une constatation qui devrait effrayer tous les éducateurs.
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