samedi 14 janvier 2023

Egalité et uniforme scolaire : attention, arnaque !

Des heures d’un débat ubuesque à l’Assemblée nationale, une bonne demi-douzaine de propositions de loi déposées ces derniers mois au Parlement, une presse complaisante que le sujet fait manifestement saliver : avec l’uniforme scolaire, la bouffonnerie s’incruste dans le débat politique. Avec cette nuance, qu’en politique la bouffonnerie est aussi un projet politique et que lorsqu’elle fait rire, c’est involontairement.

Donc, avec l’uniforme scolaire, la droite et l’extrême-droite s’accordent sur l’objectif de gommer les différences sociales à l’école, différences que les tenues vestimentaires des élèves feraient ressortir. Vue de droite et d’extrême-droite, l’inégalité, c’est d’abord et exclusivement une affaire de fringues.

Car pour le reste...

  • Selon un récent rapport de l’Observatoire des inégalités, les enfants et les adolescents comptent pour près d’un tiers des 5,2 millions de personnes situées sous le seuil de pauvreté. Le taux de pauvreté des mineurs et même passé de 8,7 % en 2004 à 11, 5 % en 2019. La solution : l’uniforme scolaire.

  • Plusieurs milliers de mineurs dorment chaque soir dans la rue et 40 % des personnes hébergées en urgence par le 115 sont des mineurs. La veille de leur demande d’hébergement au 115, 75 % des familles avec enfants avaient dormi à la rue. En France métropolitaine, en 2021, près de 6000 enfants vivent dans un bidonville. La solution : l’uniforme scolaire.

  • Selon Unicef France, un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, soit 3 millions d’enfants. La solution : l’uniforme scolaire.

  • En France, l’influence du milieu social sur les performances scolaires est parmi les plus élevées des pays de l’OCDE, avec 20 % en France contre 13 % en moyenne (PISA 2018). Autrement dit, si les enfants des milieux aisés réussissent à l’école, les enfants des pauvres y échouent. Et d’ailleurs, alors que le coût moyen d’un élève de l’école primaire (qui scolarise tous les élèves) est de 7440 €, celui s’un élève de CPGE est de 16370 €. Autrement dit, la république dépense deux fois plus pour l’école des riches que pour l’école des pauvres. La solution : l’uniforme scolaire.

  • Les résultats des évaluations nationales que les inégalités augmentent tout au long du primaire et du collège. « Si on prend les élèves les moins performants en CP, plusieurs années plus tard, en CM2, 60% des élèves de milieu défavorisés sont restés dans le groupe le plus faible contre 10% des enfants de milieu favorisé » (Café pédagogique, 07/12/2022). La solution : l’uniforme scolaire.

  • La publication de l’IPS (indice de position sociale) confirme une ségrégation systémique à tous les niveaux de la scolarité entre établissements privés et établissements publics mais également à l’intérieur des établissements publics : la moyenne de tous les lycées généraux et technologiques est de 114, contre une moyenne de 87 pour les établissements professionnels et de 102 pour les lycées polyvalents. La solution : l’uniforme scolaire.

  • Etc etc

Démocratisation de l’école, de l’accès au savoir, égalité des chances, orientation professionnelle par défaut… : autant de questions que, depuis l’origine, l’école en France n’a jamais eu le courage d’affronter sérieusement. Sans doute parce qu’elles remettraient trop de choses en cause dans un système éducatif historiquement édifié sur la discrimination sociale.

La droite et l’extrême-droite apportent alors leur solution : les enfants des riches en uniforme de riche dans des écoles de riches, les enfants des pauvres en uniforme de pauvre dans des écoles de pauvres

 

 

Sur ce même sujet et sur ce même blog :

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