lundi 2 mai 2022

EELV et Mélenchon : capitulation en rase campagne (électorale)

Nos sièges de députés avant la morale, les magouilles avant nos convictions. Mais y a-t-il encore morale et convictions dans cet accord mortifère conclu entre EELV et un politicien d’arrière-garde, dévoré par la soif du pouvoir ? 

 

Avec un demi-siècle ininterrompu de carrière politique, Mélenchon, c’est tout le contraire non seulement d’une rénovation de la gauche mais plus simplement de la morale en politique : apparatchik assumé, fonctions électives occupées à seule fin d’assurer ses fins de mois ou de promouvoir sa petite boutique (les emplois fictifs au Parlement européen), culte du chef, incapacité à prendre en compte les différences, Mélenchon est une sorte de monstruosité politique – parmi d’autres il est vrai mais ce n’est pas une excuse – dont l’ego surdimensionné et la violence verbale gangrènent un débat démocratique qui a bien du mal à vivre en France. Il n’y est pas pour rien.

C’est donc avec un personnage bien peu recommandable qu’EELV a choisi non pas de faire cause commune mais de capituler, comme le confirment les communiqués de presse publiés pour l’occasion : bien incapable, de par sa vision de la politique, d’écouter un contradicteur, Mélenchon a imposé l’intégralité de son programme à une formation politique qui n’est pas son partenaire mais désormais son obligé et probablement son larbin. Tout spécialement sur trois points chers à l'auteur de ce blog (1) :

  • Sur l’Europe, EELV reprend à son compte l’idée de « désobéissance aux traités », cette formidable escroquerie lancée par Mélenchon pour ne pas trop ressembler à l’extrême-droite. Escroquerie car, autant qu’on sache, les traités organisant l’UE ont tous été négociés, signés, ratifiés librement par tous les états membres dans un processus qui, évidemment les engage, sauf à considérer que les relations internationales devraient désormais obéir aux coups de gueule, aux mouvements d’humeur, aux intimidations en tout genre. La diplomatie Poutine en quelque sorte. Si la France dans son orgueil stupide s’autorise à « désobéir aux traités » qu’elle a signés, on ne voit pas pourquoi d’autres se l’interdiraient. Ne pas voir que la désobéissance aux traités implique à terme la sortie de la France de l’UE, c’est s’enferrer dans un déni, c’est refuser de prendre en considération non seulement l’europhobie pathologique de Mélenchon mais son incapacité à comprendre que la planète ne se réduit pas à un assemblage de nations. Son souverainisme, qu’il tient en commun avec l’extrême-droite, apparaît en réalité comme une méfiance viscérale de l’étranger, confinant parfois à la haine comme celle qu’il manifeste pour l’Allemagne dont il affirme souhaiter pas moins que la disparition : « que périsse l’Allemagne ! » écrit-il dans un hallucinant pamphlet que n’auraient pas renié Déroulède ni les revanchards d’avant 1914. L’Europe voulue par Mélenchon – et dorénavant acceptée par EELV – c’est celle du retour des barbelés aux frontières.

  • Dans une logique voisine, EELV avalise le rétablissement du service militaire exigé par Mélenchon dans le cadre d’un service du travail obligatoire (il faut bien appeler les choses par leur nom) d’une durée de 9 mois (le SNU en 9 fois pire) avec « période militaire initiale » également obligatoire. Ce faisant, EELV apporte sa caution à une institution, la conscription, dont l’histoire est celle du sacrifice non consenti de plusieurs millions de jeunes dans les conflits qui ont déchiré l’Europe au cours des deux derniers siècles. Une institution fondée sur la soumission (décrétée par des « Insoumis » si mal nommés…) et l’infantilisation de toute une classe d’âge à qui l’on dénie le droit de décider pour elle-même. Avec la restauration du service militaire, la dialectique melenchonienne aura quand même du mal à faire prendre au sérieux le discours officiel sur l’émancipation des jeunes.

  • En ce qui concerne l’école, EELV semble avoir jeté aux orties les quelques (timides) suggestions entendues pendant la campagne des présidentielles pour rénover un système sclérosé. Mais c’est finalement le programme ringard de Mélenchon qui s’est imposé sans discussions. « Un projet éducatif qui regarde résolument vers le passé à base de préconisations visant à restaurer un ordre ancien des choses, d’un modèle organisé autour de la parole sacralisée du maître et d’une vision purement scolaire des savoirs… » (voir note de blog du 29/04/2022), étayé par un renforcement de la dimension bureaucratique et autoritaire du système scolaire (entre autres, le renforcement du corps d’inspection, la police des profs), le tout au détriment des élèves issus des milieux les plus modestes (redoublement remis au goût du jour…).

Tout ça en contrepartie de la promesse de conserver quelques sièges à l’Assemblée nationale. Un aveuglement dont il faudra bien un jour payer la facture.

 

(1) La présente note de blog laissera à d’autres le soin de revenir sur la facilité avec laquelle EELV s’est glissée dans la vision centralisatrice et autoritaire, type Gosplan, des questions environnementales, dans laquelle sympathisants et militants, habitués à faire passer les initiatives du terrain avant les mots d’ordre du chef, auront du mal à retrouver leurs petits.

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