Oui, le massacre systématique et décomplexé de la population civile à Gaza est une honte ; de même que le sort réservé aux Palestiniens depuis des décennies ; de même que la pusillanimité de la plupart des pays du monde face à ce qu’on peut appeler pour le moins un crime de masse, un crime de guerre ; de même que l’instrumentalisation de l’antisémitisme pour tenter de délégitimer toute critique du gouvernement israélien. Oui Gaza est effectivement une cause à défendre et si les jeunes pouvaient sur ce sujet faire entendre une voix un peu plus forte que celle de leurs aînés, ce serait alors une heureuse surprise dans un pays plus prompt à se mobiliser pour les officines de pharmacie que contre l’extermination d’un peuple.
Néanmoins, l’appel de l’Union syndicale lycéenne (USL) à bloquer les lycées laisse une curieuse impression, venant du décalage entre l’objet de l’appel en question et le moment et les modalités choisies par les responsables du syndicat. Car outre qu’un appel au blocage des lycées à quelques jours des épreuves du bac risque de ne pas entraîner une adhésion significative, celle qui, précisément, fait défaut en France aujourd’hui, on peut à juste titre interroger le choix d’une action, qui, au même moment, laisse peu de place à d’autres préoccupations qu’on aurait bien tort de considérer comme mineures. De fait, alors que le gouvernement s’est lancé depuis plusieurs mois dans ce qui ressemble à une véritable mise au pas des jeunes, doublée d’une politique scolaire brutalement réactionnaire et touchant de multiples aspects de la vie lycéenne – SNU, uniformes, examen d’entrée au lycée, Parcoursup, laïcité punitive, etc – la faible réactivité des organisations dites représentatives interroge. Pour s’en tenir à un exemple, l’encasernement forcé d’élèves de seconde (SNU), vieux fantasme de l’extrême-droite en passe de devenir réalité au lycée, aurait mérité une réaction plus significative qu’un simple communiqué syndical qui en arriverait presque à passer pour de la complaisance envers un dispositif qui en est à sa sixième année d'existence (1).
Rétorquera-t-on que les massacres de Gaza justifient une contestation à forte portée symbolique comme peut l’être le blocage d’un lycée ? Que la comparaison avec le quotidien des lycéen.nes serait ici incongrue ? En réalité, l’alternative ainsi posée n’a guère de sens, opposant, dans ce qui serait une polémique stérile, deux objets de nature différente. Mais tant qu’à apprécier le mérite d’une action à sa faculté à faire bouger les choses, il faut bien convenir que si le blocage d’un lycée ne change rien au sort d’une partie du monde déchirée par les guerres et les haines depuis près d’un siècle, tout au contraire, une mobilisation massive des jeunes contre son propre assujettissement, contre la brutalisation dont elle fait l’objet serait plus sûrement susceptible de déstabiliser un gouvernement et, plus spécialement son chef dont la politique éducative est conduite par une maxime dont le poids totalitaire a été largement sous-estimé : « à l’école française, on obéit à l’autorité »…
Une mobilisation que, de façon significative, les organisations dont fait l’objet cette note de blog n’ont jamais initiée. Sans doute une réelle autonomie des lycéen.nes exigerait-elle de prendre ses distances avec le calendrier des politiques...
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(1) Il y a quelques semaines, P. Thévenot, porte-parole du gouvernement, ancienne secrétaire d’état au SNU, favorable à sa généralisation, pouvait en toute quiétude, intervenir dans un lycée de Laval sans susciter la moindre réaction… Il fut une époque où les élèves descendaient dans la rue pour moins que ça.
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