mardi 2 janvier 2024

Vœux de Macron, vieux Macron

 

Les vœux présidentiels ? Traditionnellement un exercice convenu auquel il serait vain d’accorder une signification particulière. Mais la place accordée à l’école – inhabituelle en ce genre de circonstance –  perçue comme le vecteur d’un « réarmement civique » et la connotation fortement nationaliste du discours confirment que, pour l’école et plus globalement pour les jeunes, l’année 2024 est celle de tous les dangers.

 

« Nous serons déterminés à agir pour l’école, l’enfance et l’éducation, afin de rétablir le niveau de nos élèves, l’autorité de nos professeurs, la force de notre enseignement laïc et républicain (…) il nous faudra ainsi engager notre réarmement civique. » En une phrase, Macron confirme sa vision d’une conception singulièrement rabougrie de l’école, celle qu’Attal met en œuvre depuis la rentrée à travers la multiplication d’annonces, de mesures simplistes et brutales : « rétablir le niveau des élèves » se traduisant par un recentrage de l’école sur les rudiments et une sélection précoce des élèves ; « l’autorité des professeurs (…) la force de notre enseignements laïc et républicain » confondues avec l’obéissance à une autorité symbolisée par « les professeurs » et la soumission à un ordre politique et moral dont la qualification de « laïc et républicain » fait interdire à l’avance toute forme de critique. Bref, une école mise au pas.

Une mise au pas qui, à l’école, s’accompagne d’une dimension identitaire clairement assumée : « La France c’est une culture, une Histoire, une langue, des valeurs universelles qui s’apprennent dès le plus jeune âge. À chaque génération. » A l’école, avec le lire-écrire-compter, il s’agit donc d’apprendre « la France », vecteur de « fierté » et de « réarmement civique ». Les vœux présidentiels se perdent alors dans une effarante logorrhée identitaire : « réarmement de la Nation (…) fiertés françaises (…) (…) régénération (…) nous serons fiers de notre passé, de nos héros aux destins mêlés (…) 2024 sera vous l’avez compris un millésime français (…) 2024, année de détermination, de choix, de régénération, de fierté (…) Pour que la France puisse s’unir, agir et resplendir. »

La fierté nationale comme réponse aux défis d’un monde toujours plus complexe ? Une tapageuse et illusoire réaffirmation dont on peut craindre la déclinaison scolaire, notamment à travers les programmes officiels en cours de réécriture et tout spécialement ceux d’histoire pour lesquels l’appétence malsaine des politiques ne s’est jamais démentie. Vue à travers le prisme déformant d’une « célébration de notre passé », un passé dont il faut être « fier », un passé incarné par des « héros », l’enseignement de l’histoire voit poindre la résurgence du roman national, imposture dénoncée par Suzanne Citron et des générations d’historien.nes :

« Ce que nous prenons pour « notre » histoire résulte […] d’une écriture du passé par les élites au service ou à l’appui des différents pouvoirs [...] Le discours frileux ou méchant de ceux qui voudraient nous convaincre que nous sommes menacés de « disparaître » sous la vague des nouvelles « invasions » ne débouche sur aucun futur, mais il se réclame de stéréotypes que l’histoire républicaine a diffusés : origine gauloise, France éternelle défendue à Poitiers par Charles Martel, nation supérieure à toute autre (« la nationalité française se mérite » ) … » (Suzanne Citron, Le mythe national).


Dans cette logique de réactivation du culte national, le discours présidentiel ouvre la porte à une possible (probable ?) généralisation du SNU, dispositif dont la signification semble tout entière contenue dans les images de jeunes en uniforme au garde-à-vous devant le drapeau, images symbolisant à merveille le « réarmement de la nation » proclamé par Macron dans des vœux dont il n’est pas nécessaire de se demander à qui ils s’adressent : écran de fumée destiné à dissimuler l’absence de projet et sa propre incapacité à affronter les véritables enjeux du monde contemporain, la référence identitaire lourdement revendiquée par Macron regarde vers l’électorat d’extrême-droite déjà significativement flatté par Attal.

Mais ce message à l’extrême-droite en dévoile un autre, en creux, une vision des jeunes comme une classe d'âge perçue comme une menace, considérée avec défiance, des jeunes auxquels aucune personnalité, aucune responsabilité ne sont reconnues, enfermés dans un système éducatif castrateur et étouffant, borné par des leçons de morale et les oripeaux nationaux, agités comme à chaque fois qu’on ne sait plus faire société.

Il aura fallu peu de temps au plus jeune président de la république élu en 2017 pour apparaître comme terriblement vieux.

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