L’uniforme à l’école ? Pour coller aux obsessions vestimentaires des élus locaux (Ginésy, président du département et l’inévitable Ciotti), la rédaction de France 3-Provence-Alpes-Côte d’Azur a dû faire preuve de beaucoup d’imagination et d’une bonne dose de mauvaise foi. Les élus en question s’étant empressés de répondre au caprice d’Attal de « tester » l’uniforme scolaire dans quelques établissements, la rédaction – qui semble elle aussi faire une fixation sur ce sujet – a choisi d’aborder la question sous l’angle d’une évidence : non, le principe de l’uniforme dans un pays qui ne l’a jamais connu, n’est pas loufoque, non, il ne s’agit pas d’un fantasme de droite et d’extrême-droite : pour France 3 Côte d’Azur, l’uniforme scolaire est un sujet sérieux qui, d’ailleurs – nous affirme-t-on – « fait son chemin » dans les établissements de la région depuis plusieurs années. Restait à trouver le chemin.
Un chemin que le journaliste chargé de la bouffonnerie a dû avoir du mal à trouver si l’on en juge par le résultat de ses investigations. Certes, il a bien déniché un vague projet mené l’an passé par une classe de première d’un lycée pro de Saint-Tropez mais pour le reste, il a fallu se rabattre sur quelques enfants en blouse dans plusieurs écoles maternelles. Quelque chose qui n’a quand même guère à voir avec la volonté affichée par les politiques du cru, relayant la lubie du couple présidentiel, de mettre en uniforme toute la jeunesse du pays. Une classe de lycée pro et quelques élèves de maternelle : un bilan un peu juste quand même pour une idée censée « faire son chemin ». Alors, pour parfaire la démonstration, il fallait donc élargir le champ de la recherche … jusqu’à Monaco, richissime principauté promue par le miracle de l’uniforme scolaire (et les lunettes de France 3 Côte d’Azur) comme modèle d’une société égalitaire. Mais aussi – comme il s’avérait décidément difficile de trouver dans la région quelque chose qui ressemble de près ou de loin à un uniforme scolaire – jusque dans les Pays de la Loire, avec cette image de nature à convaincre le lecteur qu’on ne raconte pas n’importe quoi, d’élèves en uniforme prise dans « un établissement privé de La Flèche » (Sarthe).
Las ! La photo provient en réalité du lycée militaire de La Flèche, comme un minimum de professionnalisme et d’honnêteté aurait dû le montrer. A moins que ce lapsus rédactionnel ne vienne mettre au grand jour un vœu caché – aligner la discipline scolaire sur la discipline militaire – hypothèse qui n’est pas à exclure, tant ce sujet de l’uniforme scolaire agite de fantasmes et de non-dits.
Anecdotique, cet article d’une chaîne de service public ? En vérité pas tant que ça. Car dans un pays où l’uniforme scolaire n’a jamais été la norme (comme c’est d’ailleurs le cas pratiquement partout en Europe, Grande-Bretagne exceptée), un pays où le sujet n’a été mis sur la place publique que sur la demande expresse et insistante de politiciens de droite et d’extrême-droite, faire accéder cet objet non identifié au rang de priorité, donner à cette espèce de zombie scolaire l’apparence du réel, n’a pu se faire qu’avec la collaboration active, la complaisance racoleuse de médias d’une paresse légendaire lorsqu’il s’agit d’éclairer l’opinion sur les véritables enjeux de l’éducation. Des médias qui ont largement contribué à donner toutes les apparences de légitimité à un fantasme de droite.
Et lorsqu’un président peut prétendre, d’un claquement de doigt, mettre en uniforme toute la population scolaire d’un pays, cas sans doute unique en démocratie, il faut convenir que la paresse est ici bien coupable.
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